CINÉMA DES LIBERTÉS

par | BLE, Culture, DEC 2007

Difficile de ne pas penser chaque jour à ce qui se passe dans le monde, à ces conflits qui, au-delà des “Allah Akbar !”, des “God bless America !” et autres slogans agressifs, sont les guerres du désespoir, guerres de ceux que Franz Fanon appelait les “Damnés de la Terre”. Principalement guerres des pauvres et des opprimés contre cette Amérique des multinationales qui, avec la collaboration de ses alliés, notamment occidentaux – dont malheureusement nous sommes – prétend régir le monde, lui imposer ses valeurs et sa loi.

Même si, dans ce contexte de violence, cela semble dérisoire, il m’est difficile de ne pas faire un parallèle avec le cinéma, avec l’omniprésence de l’industrie hollywoodienne qui occulte l’expression de tant de créateurs et étouffe leur possibilité de rencontre avec le public… Avec nous. Depuis plus de soixante ans, cette industrie “occupe le terrain” à coup de dollars et, alors que les techniques de communication n’ont jamais été aussi développées, transforme notre monde en un royaume de muets.

Comme dit Eduardo Galeano : “La dictature de la parole unique et de l’image unique, bien plus dévastatrice que celle du parti unique, impose partout un même mode de vie et décerne le titre de citoyen exemplaire à celui qui est consommateur docile, spectateur passif, fabriqué en série, à l’échelle planétaire, selon un modèle proposé par la télévision et le cinéma commercial américains.”

Mais qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas contre LE cinéma américain que nous devons lutter car, on l’ignore trop souvent, les cinéastes indépendants des USA sont pour la plupart dans une situation similaire à celle des cinéastes latinos, européens ou africains. Bien qu’ils représentent 80% de la production annuelle de leur pays, le poids des majors hollywoodiens handicape fortement leur diffusion.

Il ne faut pas se tromper d’ennemi.

Ce à quoi il faut résister, ce qu’il faut combattre, c’est ce que le producteur Marin Karmitz appelle le “cinéma barbare”, cette industrie qui ne produit plus que des images/concepts, qui ne sont plus que le miroir d’elles-mêmes et non plus celui de la société, ces films “pop-corn” qui, peu à peu décervèlent le spectateur qui va au cinéma comme au cirque, ce cinéma “macdo” qui fait de la violence un simple divertissement.

Ce que nous devons combattre c’est l’industrie qui fabrique ce type d’images aliénantes, c’est les medias audiovisuels qui les propagent.

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Dans cet environnement oppressant, la situation des créateurs de films dits “documentaires” est certainement la plus pénible… Alors que, bien plus que le cinéma de fiction, le documentaire est le secteur le plus dynamique de la production cinématographique mondiale.

C’est par dizaine de milliers que, chaque année, des cinéastes des cinq continents entreprennent de communiquer leurs réalisations (dans la seule Union européenne, la production dépasse les 8.000 films par an).

Une grande partie de ces films sont ce qu’on appelle dans le jargon des “documentaires de création” pour les distinguer des documentaires de simple information. Ce sont des œuvres de véritables auteurs, d’artistes sensibles et intelligents, des films passionnants par leur contenu et par leur force cinématographique… Simplement dissemblables des films de fiction par le fait qu’il n’y a pas de comédiens.

Ces documentaires ne trouvent, malheureusement, que très peu de débouchés dans le circuit des salles de cinémas et l’espace qui leur est concédé dans les stations de télévision, même de service public, est extrêmement congru.

Quant à la presse dite “spécialisée”, c’est avec une condescendance bienveillante qu’elle consent, très rarement, à en parler… A moins que ce silence ne soit surtout un aveu d’incompétence.

Il faut bien se rendre à l’évidence : dans ce monde du “paraître” qui nous envahit journellement, devant la politique mercantile de course à l’audimat qui guide les médias de l’audiovisuel, les cinéastes n’ont souvent que la guerilla comme moyen d’action.

D’où l’importance des festivals dédiés au documentaire.

Ils deviennent de plus en plus les seuls lieux où ces films trouvent un accueil et un tremplin de diffusion… Et où le public peut les admirer.

Ils sont aussi le point de rencontre des associations progressistes de tous horizons qui viennent y “faire leur marché” pour l’organisation de rencontres et débats sur les thèmes qui motivent leurs actions de sensibilisation.

Au niveau de notre plat pays, le “Festival des Libertés” de Bruxelles Laïque joue, à cet égard, un rôle essentiel.

C’est près de 600 films récents (2005 à 2007) qui ont été récoltés à travers le monde depuis deux ans sur le thème des libertés et des droits humains.

Cette vidéothèque couvre la plupart des champs des préoccupations actuels et devrait pouvoir être largement exploitée pour que “Résister, c’est créer” ne reste pas un vœu pieux.

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