L’INTERVENTION SOCIALE PAR LA PARTICIPATION

par | BLE, MARS 2017, Social

Depuis sa création en 1998, à partir d’expériences au Brésil, l’association vise l’élaboration de projets et de politiques publiques, ancrés dans la perspective pratique d’une démocratie participative, en veillant à rééquilibrer les pouvoirs d’influence des différents acteurs. Ces politiques concernent principalement les domaines de l’action sociale et de l’évolution des villes, s’inspirant d’expériences latino-américaines et d’ailleurs.

D’OÙ VIENT LE NOM DE PERIFERIA ?

Les idées et les méthodes qui nous animent sont nées en périphérie de villes latino- américaines, que ce soit Guadalajara au Mexique ou Fortaleza au Brésil. Le nom répondait à un parti pris de travailler aux marges de la ville formelle,  avec  ceux  qui ne sont pas au pouvoir et qui n’y ont jamais eu accès, avec ceux qui sont privés du droit à la ville, avec ceux qui n’ont pas de logement décent et pour qui la survie au quotidien tient lieu de vie.

Un premier “Centre Periferia” a vu le jour  à Guadalajara, au Mexique au cours des années ‘80, fondé par nos partenaires de l’époque. Puis au début des années ‘90, le “Cearah Periferia” fut à son tour créé par quatre assistantes sociales, actives dans les quartiers populaires d’une des capitales les plus pauvres du Brésil, Fortaleza.

POURQUOI PERIFERIA À BRUXELLES ?

Installer “Periferia” à Bruxelles, au cœur d’une Europe puissante, riche mais qui exclut, c’était notre manière de continuer à avancer sur les mêmes chemins de traverse. Tout en établissant Periferia à Bruxelles, nous affirmions aussi que nous restions en périphérie, là où se bâtissent des alternatives de démocratie participative, là où un autre monde possible est   en construction, un monde et des villes  où les citoyens et les citoyennes organisés sont au cœur de l’action et du changement. C’est donc bien ce lien centre- périphérie – dans ces dimensions physiques et symboliques – que nous questionnons sans cesse, en cassant les frontières et en faisant se croiser des mondes qui s’ignorent ou refusent de dialoguer.

L’INFLUENCE SUD-AMÉRICAINE INCITE-T-ELLE À SE DÉCENTRER ET REGARDER “AILLEURS” ?

Periferia ayant été créée au sein d’une ONG brésilienne, la notion de “Sud” en est clairement à l’origine. Même si des actions continuent d’être menées par une personne en Amérique latine, les liens Sud-Nord ne sont pas simples à entre- tenir : les expériences de budget participatif viennent du Sud, celles de Community Land Trust du monde anglo-saxon… Toutes sont porteuses de démocratie  et de participation active, sans toutefois être transposables immédiatement en Europe. Les connaître, les analyser et s’en inspirer constitue une ressource essentielle pour la construction de dynamiques participatives en Europe.

Au-delà de ses origines, Periferia cherche à construire des liens basés sur l’échange de pratiques et la mise en œuvre de partenariats par-delà les frontières. C’est dans cette optique que nous souhaitons établir des alliances avec des organisations qui transforment la société et ses relations avec les pouvoirs publics.

À QUELS OBJECTIFS DE CHANGEMENT PERIFERIA VEUT-ELLE CONTRIBUER ?

Depuis ses origines, Periferia cherche à réduire les inégalités au sein de la société, avec une attention plus particulière à ceux qui ont moins de facilités à prendre part aux débats publics, souvent parce qu’ils vivent des situations difficiles. De manière plus spécifique, réduire les inégalités pour Periferia passe par une recherche permanente de rééquilibre des pouvoirs d’in- fluence et de promotion de la diversité de capacités.

QUELLES STRATÉGIES METTRE EN ŒUVRE POUR CONTRIBUER À CE CHANGEMENT ET AUPRÈS DE QUI ?

La notion de changement au niveau sociétal – ou transformation sociale – est complexe puisqu’elle dépend de nombreux facteurs et acteurs. Pour promouvoir une égalité de capacités, nous pensons que c’est  justement par les changements de postures et d’attitudes des différents acteurs et entre eux que des modifications seront possibles en termes de réduction des inégalités et de rééquilibrage des pouvoirs d’influence.

Du coup, nos actions chercheront toujours à générer des changements d’attitudes et de postures d’un ou de plusieurs acteurs, selon les cas. C’est pour cela que nous parlons de différents types d’incidence :

  1. Incidence sur les personnes : même si d’autres acteurs sont plus impliqués que Periferia sur cette dimension, nous cher- cherons toujours à provoquer et accompagner des changements au niveau des personnes. Par exemple, en travaillant avec eux sur leur compréhension de l’organisation de la société, des modes de prise de décision, mais aussi sur le développement de leurs capacités d’agir et leur estime de soi pour contribuer à des changements. La démarche Capacitation Citoyenne nous a permis de développer une attitude et des modes d’action particulièrement orientés vers cette forme d’incidence.

2. Incidence au niveau de la société civile : la notion de société civile est vaste et souvent mal définie, pourtant nos actions chercheront à avoir des répercussions en termes de nouvelles attitudes et perceptions de la part  des  organisations  de la société. Par exemple, des associations de quartier ou d’autres acteurs organisés, mais également, de manière plus générale, l’opinion publique (qu’il s’agisse d’un échelon local de quartier, d’une région ou d’une échelle plus large), ainsi que des professionnels et bureaux d’études. Chaque fois, il s’agira de montrer la plus-value d’une prise en compte de tous pour construire des projets et  solutions à des problèmes donnés.

3. Incidence sur les politiques publiques : que ce soit en termes de nouvelles politiques à élaborer, de mise en œuvre du cadre légal existant ou de suivi de sa mise en application. Il ne s’agit pas nécessairement que Periferia assume cette capacité d’incidence, mais qu’elle encourage les individus et organisations de la société civile à faire évoluer les attitudes et mode de faire des pouvoirs publics (élus et services). Cela implique de donner de la place à la compréhension des dispositifs publics, à l’échange avec les acteurs publics pour, ensemble, avec tous les acteurs, construire et mettre en œuvre des politiques qui réduisent les inégalités. C’est par exemple dans cette perspective que Periferia travaille sur les budgets participatifs, les Community Land Trusts…

QUELS MODES D’ACTION POUR Y ARRIVER ?

Pour atteindre ces différents types d’incidence et ainsi contribuer à la réduction des inégalités et la promotion d’une égalité de capacités entre tous les acteurs, Periferia a développé au fil des années une capacité centrale à provoquer la rencontre et l’action entre les différents acteurs grâce à des formes de diversité.

La société est composée d’acteurs de plus en plus diversifiés qui vivent dans des mondes souvent parallèles, qui s’évitent par la peur de l’autre, qui s’octroient des privilèges pour prendre des décisions qui ont des impacts sur les autres. Pourtant nous sommes tous habitants, usagers, bénéficiaires, mais aussi acteurs, capables de participer à l’élaboration d’idées ou de projets et de contribuer aux décisions à prendre. Chaque personne, chaque organisation a ses intérêts et une vision qui lui est propre ; chacun a aussi sa responsabilité de citoyen, d’élu, de spécialiste… Face à ces diversités, nous parions qu’il est possible de  construire des perspectives collectives, des programmes d’action et des projets par la mise en commun des points de vue et la confrontation de ceux-ci. Cela exige une ouverture et une capacité d’analyse (auto)-critique de la société pour arriver à voir comment, de manière collective, nous pouvons faire évoluer nos manières d’agir et donc aussi nos perceptions des autres, nos modes de vie…

Il ne s’agit pas de favoriser ni développer d’autres modes de faire qui cherchent à contourner les mécanismes de société nuisibles au collectif, au vivre ensemble et à l’agir collectif. Sans quoi cela reviendrait à cautionner ou accepter ces dérives des politiques publiques. Cette démarche doit se faire en portant un regard critique sur les logiques dans lesquelles les pouvoirs publics, économiques et médiatiques nous entrainent.

DU COUP, PAS DE PUBLIC PRIVILÉGIÉ ?

Notre volonté est de nous adresser  à tous les acteurs de la société (citoyens, représentants politiques, associations, syndicats, administrations, institutions publiques ou privées…) afin de permettre la confrontation des points des vue, le débat et la construction de décisions partagées. Cela dans l’optique de renforcer les possibilités d’incidence et d’influence de tous les citoyens sur les sujets qui les concernent et construire une société plus égalitaire et démocratique.

Pourtant tout le monde n’est pas égal pour prendre part à ce type de débat et de construction collective. C’est pourquoi, nous avons toujours une attention particulière pour les personnes et groupes qui “restent à la marge”, qui “ne viennent jamais”, qui sont peu écoutés ou qui dis- posent de peu de moyens pour se faire entendre. Dans tous les espaces que nous créons, soutenons, accompagnons pour provoquer la rencontre et l’action entre les différents acteurs, nous encourageons toute forme de prise en compte des personnes moins écoutées (la démarche Capacitation Citoyenne, qui guide depuis toujours notre attitude travail, est centrale sur cette question).

De manière organisée ou non, des citoyens se rassemblent, souvent dans l’ombre, pour se défendre, se faire entendre, créer des liens et agir autrement… en vue de plus de justice, de solidarité et d’équilibre face à un monde chaque jour plus oppressant. Nous pensons que ces initiatives doivent être valorisées et renforcées afin de faire entendre leurs luttes, conquêtes, propositions, mais aussi de permettre aux personnes et actions isolées et déconnectées de s’engager dans des intérêts et luttes plus collectifs. Cela montre qu’il est impératif de reconnaître tous les citoyens comme des acteurs capables de penser et s’impliquer dans la société, et donc d’encourager le développement de nouvelles formes d’action, en repartant notamment des innovations et alternatives développées par les citoyens.

Dans cette optique, Periferia, même si  elle ne s’est pas officiellement inscrite dans certains réseaux, travaille en lien et de concert avec de nombreux acteurs et partenaires, issus de secteurs et territoires divers. Ces connexions sont une grande richesse pour nos actions et nous  per- met de rester vigilants, attentifs et ouverts aux évolutions de la société et aux dynamiques citoyennes émergeant.

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