BURKINA-FASO : LE BALAI CITOYEN

par | BLE, Démocratie, JUIN 2020, Politique

Créé le 25 août 2013, le balai citoyen est un mouvement citoyen qui se donne pour objectif de représenter une force de proposition et de pression au service des intérêts des populations, tout en renforçant les acquis démocratiques par le contrôle citoyen.

Nous avons fini par faire le constat amer d’un certain cycle sisyphien à force de nous solidariser avec les différentes plateformes de lutte d’alors (partis d’oppositions, groupes syndicaux, associations de la société civile, etc.). Les discussions étaient lourdes et interminables et les changements aussi rares qu’un parapluie un jour sans pluie. Nous avons fini par penser avec quelques camarades, en 2010, lorsque nous nous rencontrions au centre national de presse Norbert Zongo, qu’il nous devenait urgent d’explorer une sorte de troisième voie pour rallier une certaine partie de la jeunesse, que la frustration et le découragement gagnaient à grands pas. L’occasion nous en a été donnée en 2013, lorsque que le Gouvernement de Blaise Compaoré a montré de plus en plus de velléités à tordre le cou à notre Constitution, en tentant, dans un premier temps, de mettre en place un Sénat. Ses décisions étaient de moins en moins populaires, notre action, ainsi que notre naïveté, ont fait le reste. Comme je l’ai souvent dit, il y a un certain degré de naïveté ou d`inconscience nécessaire à la manifestation du résultat et à l’atteinte de tout objectif…

Les membres du mouvement sont appelés des “cibals” (citoyens balayeurs) ou “cibelles” (au féminin). Ils sont quelques milliers, répartis sur le territoire national, ainsi qu’au sein de la diaspora, à l’extérieur du pays (un répertoire numérique est en cours de finalisation).

La structure de base, c’est le “club cibal”, composé au minimum de dix personnes, en essayant de respecter la parité de genre. Plusieurs clubs cibals forment ce que nous appelons un “point focal” ; au-dessus de ceux-ci, il y a les “coordinations régionales” réparties sur l’ensemble des treize régions du Burkina-Faso, les ambassades cibales représentant les militants de la diaspora dans chaque pays; et enfin, la “coordination nationale” qui est l’organe central, dont le siège se trouve actuellement à Ouagadougou.

Nos actions sont essentiellement :

  • Sensibilisation au contrôle citoyen et à la redevabilité, pousser les collectivités à la reddition des comptes ;
  • Formations en tous genres : citoyenneté, leadership, droits humains, lutte contre la corruption, outils internet, stratégie de terrain, etc. ;
  • Projections débats, thés débats, concerts pédagogiques, etc. ;
  • Marches, sit-ins, meetings citoyens, caravanes citoyennes, occupations d’espaces, etc. ;
  • Collectes de sang, de fonds de soutien à une cause, appels à solidarité, etc. ; -Campagnes de salubrité, nettoyage de maternités, d’hôpitaux, de caniveaux, de voies publiques, de bâtiments et d’espaces publics, etc. ;
  • Plantation d’arbres, appui aux collectivités locales et aux citoyens, sensibilisation aux questions écologiques, etc. ;
  • Promotion de mets et produits locaux, vulgarisation de la pensée de nos intellectuels et mise en avant de nos propres valeurs ;
  • Activités de synergie avec les autres organisations de la société civile à l’intérieur et à l’extérieur du pays, rencontres panafricaines, etc.

Sankara disait : “celui qui aime son peuple aime aussi les autres peuples… ceux qui veulent exploiter l’Afrique sont les mêmes qui exploitent l’Europe”. Par conséquent, et au-delà des quelques querelles de chapelles, nous avons beaucoup plus de choses en commun que nous le pensons, ne serait-ce que notre citoyenneté… Celle-ci nous oblige à admettre que si nous voulons obliger les forts à écouter les faibles, pourtant les plus nombreux, nous n’avons pas d’autre choix que de nous unir. Seule la conscience de la force du nombre fera notre force. Et cela, quelques soient nos différences et nos origines.

C’est pourquoi notre mouvement, pourtant résolument politique, initie souvent des actions avec d’autres associations d’utilité publique, ou non, dans les quartiers, dans les villages, etc. Les questions de lotissements, de santé, d’éducation, de salubrité, de communication entre les élus et les résidents, de sécurité, et j’en passe, sont régulièrement abordées dans nos échanges et intégrées dans nos plans stratégiques. Nous organisons même souvent des opérations de soulagement des forces de défense et de sécurité (FDS), par exemple, avec de la fourniture de boissons et autres pendant leur garde, notamment à l`approche des fêtes. Nous organisons aussi des projections de films dans les quartiers suivis de débats avec les populations et leurs élus, concerts pédagogiques, formations sur le leadership, les droits humains et sur les questions de genre. Bref, tout ce qui pourrait renforcer et améliorer l’image du mouvement aux yeux des populations que nous voulons voir plus nombreuses dans le combat que nous menons. La tâche n’est pas simple. La crise sanitaire liée au coronavirus n’a pas changé grand-chose à notre carnet de route. Elle nous oblige seulement à communiquer un peu plus sur les questions de santé, utiliser des masques et sensibiliser sur les gestes barrières, donner aussi l’exemple en produisant notre propre gel hydroalcoolique  ; dernière opération en cours actuellement pour une production d’environ deux mille bouteilles que nous devons distribuer, gratuitement, aux populations dans les jours qui viennent. Notre solution vient d’être validée récemment par le laboratoire national. Une production que nous avons pu réaliser grâce à la contribution financière de la plupart de nos membres. Car, cette crise nous démontre aussi, s’il le fallait encore, que nous avons besoin de solutions endogènes, propres à nous-mêmes, si nous vous voulons éviter le “chaos du monde”. Suivre une locomotive n’a jamais permis à un wagon de la dépasser. Comme le disait, à juste titre, le professeur Joseph Ki-Zerbo : “nous devons être le centre de nous-mêmes, plutôt que la périphérie des autres”.

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