QUAND L’ÉMOTION NOUS SUBMERGE… AU PROPRE COMME AU FIGURÉ !

par | BLE, MARS 2016, Politique

Il y a des moments dans l’histoire des peuples où la tension est tellement forte, l’insécurité tellement présente, où l’on est tellement dépassé par la violence de certains faits que nous sommes prêts à mettre notre sort dans les mains de nos gouvernants avec comme seule et unique demande : protégez-nous ! Et nous quémandons cette protection en espérant que la réaction sera à la hauteur de l’agression subie. Les politiques appelant à une réaction forte de toute la société donnant de fait, à l’avance, un blanc-seing à nos autorités.

Nous commettons une grosse erreur !

Pour un gouvernement à forte tendance de droite, cela représente une authentique aubaine afin de donner un coup d’accélérateur à des mesures qui, sous des dehors censés protéger le quidam, vont surtout aider à mettre en place une mainmise du pouvoir sur tout qui voudrait remettre en cause les politiques menées.

L’union sacrée qui s’installe, dans ces moments de crise sécuritaire, entre les différentes majorités et les oppositions amène une certaine anesthésie des mentalités, et toute velléité de remise en cause de certaines mesures sera interprétée comme une acceptation des atrocités qui ont eu lieu, ce qui est une idée incohérente et irrationnelle.

Irrationnelle comme la peur qui s’est installée suite aux attentats de fin 2015 et qui est compréhensible car attisée, à coups de scoops et autres interviews, par des médias qui ont tout intérêt à prolonger cette période difficile ainsi que le ressenti dans la population. Ce ressenti, à terme, fera vendre beaucoup de papiers et autres chroniques de l’horreur.

Par contre, les cabinets ministériels et les armées de conseillers du gouvernement, eux, gardent un sang-froid à toute épreuve, car, ils voient dans la situation une occasion de porter plus haut leurs revendications politiques. Stratégie, quand tu nous tiens…

Il est tentant de profiter de ces instants dramatiques et fortement émotionnels pour, au-delà de légiférer sur des sujets qui touchent bien entendu les évènements qui ont eu lieu afin de mettre en place les règles et lois qui vont éviter que de tels actes ne se reproduisent, essayer de réduire les droits fondamentaux des individus ainsi que les libertés d’expression qui sont l’essence même d’une société développée.

Ils arriveront à nous faire accepter l’idée de réduire les moyens d’expression de la population en nous faisant croire que nous n’avons aucun besoin de nous exprimer puisque nous sommes protégés et vivons donc dans un monde parfait où il n’y a rien à redire.

Une loi ne devrait jamais être votée sous l’émotion, au contraire, elle doit faire l’objet d’une étude et analyse faite en toute sérénité afin d’en encadrer toutes les facettes et toutes les applications.

Il faut savoir que, pour les gouvernements, la seule menace qui est susceptible de les faire vaciller reste les grands mouvements de masse de la population qui refusent les mesures proposées et certaines orientations qui leurs apparaissent trop pénibles.

A ce titre, les syndicats restent parmi les seuls à pouvoir mobiliser une ”masse critique” de citoyens en tant que contre-pouvoir et de ce fait influer sur des décisions qui iraient à l’encontre des intérêts de la collectivité.

Intégrer, dans les modalités et les critères qui sont cachés dans ces textes de loi interminables, des termes destinés à faire basculer dans l’illégalité les moyens de mobilisations des syndicats comme les rassemblements sans la permission des autorités, les grèves ou les actions de manifestation spontanées, apparait comme une occasion à ne pas rater pour le gouvernement afin de s’assurer une tranquillité future et permettre la poursuite d’une législature sans inconvénients.

L’idée est de faire en sorte qu’une manifestation de militants syndicaux ou une action de blocage d’une artère urbaine soient perçues comme autant de menaces pour l’Etat et, de ce fait, soient réprimées par la force si nécessaire.

Ce que l’on oublie, c’est que les militants syndicaux sont des citoyens comme les autres et sont loin d’être des terroristes assoiffés de sang. Au contraire d’être une menace pour l’Etat, ils sont les seuls et vrais défenseurs de cet Etat et de ses valeurs que certains voudraient abolir sur l’autel d’un libéralisme effréné qui n’a jamais amené la moindre avancée sociale dans nos pays. Il fut un temps ou des personnes qui descendaient dans la rue pour contrer une pensée unique destructrice et y opposer une résistance toute citoyenne étaient considérées comme des héros !

Que se passerait-il si les syndicats n’avaient plus la possibilité de mobiliser en masse ?

  • Se lever de manière individuelle contre une machine étatique sera une menace pour l’État : illégal !
  • Se rassembler avec d’autres pour contester sera une menace pour l’Etat : illégal !
  • Remettre en cause la politique étrangère du gouvernement sera une menace pour l’Etat : illégal !

Les syndicats ne sont que l’émanation de la population et vouloir museler cette population en l’empêchant de se signaler va, de facto, faire régresser l’intérêt général et le bien-être de tous. Mais force est de constater que ces notions ne sont pas la préoccupation de tout le monde ! L’histoire nous apprend que, dans les pays ou les syndicats sont présents et où ils peuvent influer sur les débats, ces pays arrivent à une meilleure qualité de vie et à un meilleur sentiment de sécurité qui est bénéfique pour la société. Au contraire, là où les revendications des forces vives sont ignorées ou empêchées, il en ressort un appauvrissement collectif.

Aujourd’hui, des plans de dé-radicalisation sont mis en place et quand on se penche pour voir de quoi se composent ces réponses sociétales, on se rend compte qu’il s’agit uniquement d’une débauche de moyens policiers et de forces d’intervention, sans aucun investissement dans le tissu social, le seul capable de générer un bien vivre. Cela aura l’effet contraire que celui escompté en instaurant un climat d’Etat policier, une certaine méfiance et un malaise permanent.

Dans certains pays, la cellule de dé-radicalisation existante s’occupe non seulement des djihadistes islamistes et autres, d’activistes d’extrême droite mais aussi de militants d’extrême gauche… Cherchez l’erreur ! Vouloir trop de social et mettre l’individu au centre des préoccupations relèveraient apparemment du terrorisme.

Afin d’éviter des dérives dictées par l’émotion, il est primordial, dans ces moments de crise et d’insécurité, d’être présents et attentifs aux décisions prises par nos gouvernements afin de tirer la sonnette d’alarme quand ils iront trop loin. Pour ne pas se retrouver submergés par des lois dont nous n’avons pas cerné toutes les nuances et les modalités car nous étions sous l’effet de l’émotion, exercer son droit de regard et de jugement reste la seule réponse.

La peur est mauvaise conseillère, c’est bien connu. Il importe, pour finir, de rappeler que des lois sont avant tout des projets de société et qu’elles doivent faire l’objet d’un cheminement dans les mentalités, d’une analyse technique et détaillée, d’un débat contradictoire dans les instances. Ce n’est qu’à l’issue d’un tel processus qu’elles pourront devenir des mesures acceptées par tous.

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