CONFRONTATIONS DANS TOUS LES SENS

par | BLE, Culture, SEPT 2015, Social

Lexique : Le terme confrontation dans son sens le plus large signifie la mise en présence, le face à face de personnes, de choses, d’idées, de groupes… pour les rassembler, les opposer, les comparer, les apprécier, les vérifier ou les dépasser. Il s’agit de mettre en évidence les rapports de ressemblance ou de différence. Dans le langage courant, il prend assez vite une connotation antagoniste et conflictuelle, proche du sens d’affrontement. En particulier : “Débat permettant à chacun d’exposer et de défendre son point de vue, face aux points de vue comparés des autres participants ; conversation durant laquelle les interlocuteurs s’affrontent.[1] Le Festival des Libertés 2015 s’appliquera à revaloriser ce sens de la confrontation. A partir de ses préoccupations récurrentes et sans prétention à l’exhaustivité ni à la définition canonique, il interrogera d’autres modalités de la confrontation, c’est-à-dire de la mise en présence d’éléments disparates :

L’affrontement est un mode de confrontation où l’on fait hardiment face à quelque chose ou quelqu’un qui paraît a priori hostile ou dangereux, un obstacle ou un ennemi. On s’y attaque avec la volonté de le vaincre ou de l’éliminer.[2]

Le conflit se situe a priori dans un registre assez proche. Les dictionnaires le définissent d’abord, en référence au combat, comme un heurt se produisant lorsque des forces antagonistes entrent en contact et cherchent à s’évincer réciproquement. Ensuite, de manière moins martiale, ils évoquent une forte opposition, un différend grave, un vif désaccord. Lorsqu’il résulte d’une rivalité, d’une contestation réciproque sur un même droit, une même compétence, un même territoire, il s’apparente à la concurrence. L’école de la “gestion de conflit” l’aborde de manière nettement moins belliqueuse et destructrice. Elle voit le conflit comme inhérent à la relation à l’autre et propose de l’aborder positivement afin, d’une part, de voir les rapports qui sous-tendent une relation, d’autre part, d’en faire un vecteur de changement et d’innovation. Il s’agit alors de développer des modalités de résolution de conflit qui évitent au maximum la violence.

D’un point de vue historique et macroscopique, il est utile de rappeler que nombre d’avancées sociales sont issues de la résolution de conflits, souvent déclenchés par des contestations radicales, des pratiques de désobéissance, des émeutes… Postulant que ce sont avant tout des intérêts matériels qui sont en jeu dans les rapports qui sous-tendent ces conflits, le marxisme a vu dans la lutte des classes le moteur  de l’histoire et du progrès. Cette théorie a été quelque peu jetée aux oubliettes de l’histoire en même temps que les goulags mais l’on pourra se demander si les crises actuelles du capitalisme ne lui confèrent pas une certaine actualité. Lorsque le conflit est ouvert et violent, la lutte des classes prend la forme de la guerre civile. Celle-ci peut diviser une population à partir d’autres enjeux que des conflits de classe, tels que des enjeux religieux ou ethniques. Lorsque ce sont deux Etats qui entrent en conflit violent, on est dans le schéma classique de la guerre.

Dans toutes ces confrontations  se  pose la question du rapport de force : aucun  changement ne peut advenir sans le prendre  en  compte.  Pourtant,  nombre de stratégies de changement semblent l’ignorer en misant sur la communication, l’éducation, la conviction, l’intériorité, le travail sur soi… Ce qui nous renvoie à la confrontation des stratégies inhérente à tout processus de transformation.

Issue ou non de rapports de force, la hiérarchisation constitue une autre modalité de gestion de la confrontation. Il s’agit d’établir un ordre de priorité ou des rapports de subordination entre différents éléments qui sont mis en présence par la confrontation. La hiérarchisation des droits et des normes, des luttes et des urgences sociales ou écologiques, des priorités personnelles, institutionnelles, sociétales… est une question complexe qui se pose à toute société, tout groupe, tout individu.

La conciliation, quant à elle, cherche à rapprocher des entités en désaccord pour les faire progressivement concorder. Elle passe par la négociation, la médiation et bien souvent le compromis. L’harmonisation vise aussi à accorder mais en évitant davantage les concessions, en cherchant à atteindre un équilibre ou un diapason. Bien que l’une se fasse parfois sous couvert de l’autre, l’uniformisation n’est pas l’harmonisation. L’une homogénéise tout et donc supprime ou censure les différences, l’autre cherche l’agencement pacifique et fécond de l’hétérogène et ensuite la construction de visées communes.

L’articulation s’applique à solidariser ce  qui est séparé, à agencer les éléments disparates d’un ensemble, sans les figer ni les fixer, en assurant en certain jeu entre eux qui à la fois leur permette de conserver leur propre mobilité  et  d’engendrer  un mouvement du fait de leur mise en relation. En philosophie, elle pourrait renvoyer à la logique dialectique qui articule des contraires pour les dépasser dans une synthèse qui génère une nouvelle opposition. Sur le plan social et des relations humaines, l’articulation nous ouvre à la coopération : entente, soutien et complémentarité des membres d’un groupe  en vue d’un but commun. Dans le champ politique, c’est la question de la convergence des luttes vers un même objectif, chacune gardant sa spécificité et se renforçant du fait de cette convergence.


[1] Centre national de ressources textuelles et lexicales (français).

[2] Notons que dans le jargon médical ou menuisier, affrontement a un sens plus positif et rassembleur : mettre front à front, bord à bord, des pièces de bois ou des tissus pour les assembler.

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