Par ces temps moroses d’austérité et de crises infinies, nous n’avons plus le choix : il faut gérer ! Gérer non plus en bon père de famille mais en parfait manager. Force est en effet de constater que l’impératif d’abord, les méthodes ensuite, de gestion développés au sein des entreprises à but lucratif s’immiscent, contaminent ou envahissent des domaines d’activité toujours plus vastes et par là des pans entiers de notre vie quotidienne.

Les exemples sont légions : bonne gouvernance confiée aux experts gestionnaires de la Troïka européenne, réforme Copernic des services publics belges, kit de la démarche qualité dans les ONG ou les institutions de soins, contrat de gestion et processus d’évaluation des politiques publiques, formations au management associatif, méthode de développement personnel et d’optimalisation   de nos compétences relationnelles… Sans parler des deadline, brainstorming, win win, bottom-up, check out, reporting et autre benchmarking qui colonisent nos langages professionnels.

Parce qu’il ne recherche que l’efficacité, qu’il se limite à proposer des moyens et des techniques rationnelles et utiles pour atteindre des objectifs sans se prononcer sur ces objectifs, le management se prétend neutre, dénué de toute connotation idéologique,   et donc universel. Or l’impératif de gestion efficace n’a pas existé de tout temps. Ce n’est pas une manière de fonctionner naturelle mais une manière de voir et d’organiser les choses apparue à un moment précis de l’histoire. Non seulement, il n’y a pas une seule ou parfaite méthode pour atteindre ses buts mais le fait d’être efficace n’est pas à lui seul gage de vérité. Le management relève d’une certaine vision du monde et de l’homme : positiviste, utilitariste, techniciste…

Dès lors, le management ne propose pas que des moyens techniques, il teinte le projet de ses présupposés idéologiques, voire en pervertit les finalités. Il faut le savoir quand on décide d’appliquer des instruments de gestion à une situation précise.

Cela ne signifie pas que les techniques de management sont forcément mauvaises. Tout n’est pas à jeter, il y a des outils et des méthodes qui peuvent améliorer le fonctionnement d’un service public, d’une association ou d’un projet personnel. A condition de bien garder à l’esprit les implications sous-jacentes des instruments utilisés et de ne pas perdre de vue les finalités propres de ces institutions ou projets. Il s’agit d’adapter la technique aux finalités du projet et non l’inverse, comme cela semble trop souvent être le cas.

En tant que laïques, nous ne sommes évidemment pas opposés à l’idée d’accorder plus de place à la raison dans nos modes d’organisation. Mais il faut se méfier du dévoiement des valeurs qui glisse si vite de rationalité à rationalisation puis à rationnement. Et aussi, en tant qu’humanistes, nous ne pouvons nous contenter de modélisation, de calculs froids, de mises en boîte qui ne laissent aucune place à l’humain et ses affects, aux aléas de la vie, à la remise en question, aux débats sur les orientations politiques ou les choix de société.

Le bonheur et le succès ne découlent pas automatiquement d’un plan de management. La lecture des articles qui suivent vous aidera dans vos réflexions à ce sujet.

Dans la même catégorie

Share This