INTERVIEW: QUAND LA “START-UP NATION” SE MET EN GRÈVE

par | BLE, Démocratie, MARS 2020, Technologies

Entretien avec Cécile Dony, Community Manager à Médiapart 

Développeurs, community managers, gestionnaires de base d’articles de recherche, administrateurs système… Les travailleurs du numérique ont rejoint la mobilisation française actuelle contre la réforme du système de pensions.

ENTRE INVISIBILITÉ ET ATOMISATION, QU’EST-CE QUE FAIRE GRÈVE AVEC SON CLAVIER?

ED : Pouvez-vous nous présenter votre travail ainsi que les conséquences attendues de la réforme des pensions (en France) pour les travailleurs du numérique[1] ?

CD : Je suis une des trois « Community Managers » de Médiapart. Notre métier est de faire la communication du journal sur les réseaux sociaux ; pour cela, nous développons des formats de publication, nous interagissons avec les internautes et nous faisons le lien entre eux et la rédaction. Nous effectuons également une veille de ce qui existe sur les réseaux sociaux et de ce qui est nouveau dans le numérique. Le poste de Community Managerest devenu un métier à part entière, essentiel car la communication passe énormément par les réseaux sociaux.

Comme je suis en CDI, la réforme des retraites allait m’impacter comme n’importe quel travailleur : devoir travailler plus longtemps, avoir une retraite plus faible, variant selon la valeur des « points » emmagasinés, et que l’on devrait compenser avec une retraite par capitalisation, donc des placements dépendant de la bourse et des finances, hautement incertains. Certains collègues, qui n’ont pas la stabilité du CDI, seront frappés encore plus durement par la réforme.

Avec mon collègue Gaëtan, notre décision de nous mettre en grève partait aussi d’une envie assez personnelle : sortir du métier passion et montrer que nous sommes des travailleurs. Nous dépendons de notre travail et nous trouvons injuste d’avoir des conditions de retraite moins bonnes que nos aînés, ainsi que des conditions de vie moins bonnes que les gens qui décident de toutes ces réformes-là.

Nous nous sommes rendu compte que, même si nous faisions grève, cela ne se voyait pas, sauf au cours d’une manifestation. D’où la question : quand on est travailleur du numérique, comment faire pour faire grève de manière ostentatoire et que ça ait un poids ?

ED : Y avait-il eu des précédents de mobilisation générale des travailleurs du numérique lors de mouvements sociaux ?

CD : D’après ce que nous avons vu en cherchant des groupes à rejoindre et des informations sur ce qui existait en termes de droit des réseaux sociaux, il y a un grand vide. Donc je pense qu’il n’y a pas eu de grande mobilisation précédente, en tout cas pas d’action collective interprofessionnelle, entre différentes entreprises, statuts et métiers.

ED : Qu’est-ce qui vous a fait bouger cette fois-ci, collectivement, par rapport aux autres mouvements sociaux français des dernières années (mobilisation contre la Loi Travail, gilets jaunes, réforme de l’assurance chômage) ?

CD : Avant, je ne me considérais pas comme une travailleuse du numérique. Pendant la Loi Travail,  je répondais aux appels des intermittents. Et encore avant, je pense que je n’aurais pas osé faire grève, de peur de ne pas avoir de travail ensuite. Là, nous sommes dans un cadre de travail très particulier : Mediapart. Nos collègues sont globalement d’accord avec ce que nous faisons et ont soutenu notre démarche. Faire grève pour un journal, c’est assez particulier : quand on est journaliste, l’engagement c’est d’aller couvrir la manifestation, de couvrir les luttes des gens qui font grève. Cela peut se rapprocher de ce que certains appellent la « grève active » : on continue une partie de notre métier car cela sert plus le mouvement social que d’arrêter complètement. Chez nous, le site de Médiapart a été complètement gratuit de 9h à 19h et sans nouvel article ; la page d’accueil du site n’était constituée que d’articles couvrant la mobilisation.

ED : Comment vous êtes-vous organisés ?

CD : Nous avons créé un blog de « community managers en grève » hébergé par le Club de Médiapart, pour essayer de rassembler d’autres personnes mobilisées ou qui se posaient des questions. Puis, nous sommes entrés en contact avec le collectif  « onestla.tech »[2] ainsi qu’avec les membres d’Open Edition.

Les fondateurs de « onestla.tech » ont lancé leur appel dès le 5 décembre (le début du mouvement).

Nous les avons donc rejoints, même si nous n’avons pas signé leur appel car nous avons considéré que les corps de métier représentés sont quelque peu différents. Ils avaient un discours qui portait directement sur la réforme des retraites, l’âge de départ, les mensonges du gouvernement. Nous avions une démarche un peu différente, qui se rapportait plus à l’invisibilité de nos métiers. Maintenant, nous nous coordonnons tous sur une plateforme qui s’appelle discord : nous y écrivons des appels (comme le premier appel à blocage), des textes, nous nous donnons rendez-vous dans les cortèges. Le collectif a été rejoint par d’autres métiers : community managers, recherche et enseignement supérieur, développeurs, etc. Aujourd’hui, il regroupe environ 2000 signataires.

ED : Quel est le taux de syndicalisation chez les travailleurs du numérique ?

CD : Mon collègue et moi ne sommes pas syndiqués ; certains que nous avons rencontrés sont affiliés chez Solidaires… Un dernier billet de blog paru sur Mediapart indiquait une fourchette de 3 à 4% de travailleurs syndiqués (contre 8,7% en moyenne dans le privé).[3]

ED : Au cours de deux journées de mobilisation, le 17 décembre et le 24 janvier, vous aviez appelé au « blocage du numérique » : comment le définissez-vous ?

CD : Nous avons plus théorisé le blocage la deuxième fois, le 24 janvier : occupation des espaces numériques, ce qui – pour nous – veut dire les réseaux sociaux. Nous voulions aussi aller vers plus de radicalité, plutôt vers les développeurs et les gens en charge de la maintenance des sites.

Il y a différentes formes de blocage : blocage partiel, blocage temporaire, occupation. Pour les réseaux sociaux, c’est plus intéressant d’occuper les espaces que d’arrêter de publier. Si on arrête de publier, on lèse le journal (ce dont on n’a pas envie), et surtout, arrêter de publier, cela ne veut pas dire que les gens nous voient. Alors que si on continue de publier en disant : « Nous sommes en grève », cela se voit. Sinon on n’explique pas aux gens pourquoi on le fait et on retourne dans l’invisibilité.

ED : Est-ce que d’autres métiers (hardware, développeurs) ont lancé des actions de blocage au sens « arrêt de la production numérique », si ce terme est approprié ?

CD : Oui, on peut tout à fait dire « production numérique ». Nous utilisons le terme « piquet de grève numérique », même si cela peut sembler flou. Ce qui ressort des discussions, c’est qu’il y a beaucoup de travailleurs qui sont freelance et pour lesquels faire grève est compliqué : ils ont plusieurs employeurs, ou alors ils n’en ont qu’un seul mais ils sont prestataires et travaillent pour d’autres gens. Et dans ce cas, il est difficile de s’organiser : on est tout seul, pas de collègues avec soi chez le client, peu de contacts avec les travailleurs du client…

A cela, il faut ajouter un dilemme que nous avons presque tous : nous ne sommes pas contre notre employeur, mais contre une réforme gouvernementale. Pour dépasser ces problèmes d’action collective, avec les prestataires, les intérimaires, les travailleurs isolés, nous avons essayé de donner des conseils et de nous afficher le plus possible comme un collectif. Mais au dernier moment, il y a quand même beaucoup de gens qui ne peuvent pas… C’est donc l’objectif maintenant : maintenir la cohésion et essayer d’élargir.

Il y a eu une véritable évolution au cours des derniers mois. Par exemple, une plateforme de documentaires qui travaille avec nous – Tënk – a aussi décidé d’utiliser ses ressources pour faire savoir que ses travailleurs étaient en grève. Nous avons également pris de meilleurs contacts avec des ONG comme Greenpeace et Amnesty, mais ils ne veulent pas mélanger leurs messages avec celui de la grève. Ils participent quand même aux rencontres et s’intéressent. De plus en plus de monde est inscrit sur discord, et il y a aussi un renouvellement de ceux qui portaient le mouvement. Au sein du journal, on observe également un effet d’entraînement : le 24 janvier, nous étions 46 en grève – ce qui est énorme ! – y compris des journalistes.

En termes de blocages concrets, le 5 décembre, les travailleurs d’Open Edition ont complètement bloqué la plateforme pour la recherche et l’enseignement supérieur, qui compte plus de 6 millions de visiteurs par mois. Ils ont décidé de rendre complètement indisponible le contenu (livres, articles) du site : en tapant l’url, on tombait sur un texte qui expliquait pourquoi ils faisaient grève contre la réforme des retraites. Cela a été très mal perçu par la hiérarchie, publique, même s’ils ne sont pas fonctionnaires : ils ont reçu des menaces, des blâmes. Quand ils ont voulu faire le même type d’action le 24 janvier, ils se sont dit : « On ne peut plus faire ça, à la place on va mettre un pop-up avec une petite fenêtre qui va apparaître en indiquant : ‘Une partie des personnes est en grève et donc ce service n’est pas aussi rapide que d’habitude’ ». Mais ils n’ont même pas eu le droit de le faire. Comme ils avaient annoncé leur action, plusieurs personnes ont été convoquées, et de ce que nous avons compris, la hiérarchie a provoqué des divisions qui ont affaibli le mouvement.

ED : Dans les possibilités d’action que vous proposez – bloquer les réseaux, les plateformes, saboter les lignes de code, etc. – à chaque fois (et comme très souvent dans tous les secteurs) il y a un élément qui pourrait être contraire au droit de grève légalement encadré. La réponse des travailleurs d’Open Edition est claire : tant que le droit de grève est flou, c’est le rapport de force qui va déterminer ce qui sera sanctionné et ce qui ne le sera pas.[4]

CD : Dans un billet de blog[5], j’ai interviewé une avocate sur le droit de grève des travailleurs du numérique. Elle nous a dit : « C’est mieux si le droit de grève est flou, car ça nous permet de faire des actions » et elle nous a donné de nombreux exemples d’action de grève dans le monde physique : blocages d’usine, d’entreprises, de récupération de matériel, etc.

Souvent, même si le patron a le droit de faire évacuer l’entreprise par la police, il ne va pas forcément en faire usage, ni prendre des sanctions juridiques ou donner un blâme, si un nombre suffisant de travailleurs est mobilisé. Plus il y a de gens, moins il y a de risques. Dans nos métiers, c’est compliqué car les travailleurs ne sont pas suffisamment ensemble, ce sont des métiers très atomisés.[6]

ED : Comment envisagez-vous de construire ce rapport de force ?

CD : Cela relève plus de notre domaine : à travers la communication. Ceux qui s’engagent à bloquer, s’ils sont sanctionnés, nous écrivons un texte pour les soutenir. C’est ce que nous avons fait pour Open Edition. Mais nous ne pouvons pas vraiment faire plus… C’est aussi pour ça que ce mouvement nous intéresse : nous essayons de nous organiser pour la grève, contre la réforme des retraites, mais nous espérons que ces liens vont rester et que nous allons développer des réflexions, des liens, pour mieux penser la condition de travailleur du numérique, un secteur qui n’existait pas à l’époque où le droit de grève a été inscrit dans la Constitution.

ED : Dans cette idée d’organisation de long terme, des ponts ont-ils été construits avec des secteurs piliers de mobilisations (éboueurs, cheminots, raffineries) et avec les réseaux « matériels » (télécom, réseaux de distribution d’énergie, etc.) ?

CD : pour l’instant, nous essayons surtout de trouver les gens qui sont dans le même secteur que nous. La section CGT de Médiapart a très envie que nous nous syndiquions et que nous participions aux dynamiques de mobilisation mais nous n’avons pas vu de section qui corresponde à notre travail. C’est aussi l’enjeu : est-ce qu’il nous faut une nouvelle forme de syndicat ? Ce qui est sûr, c’est qu’il va falloir s’unir, et je pense que nous pouvons le faire avec d’autres corps de métier. Cette grève-là, sans les cheminots et la RATP, elle aurait duré moins longtemps. Si on veut reprendre un mot d’ordre marxiste, ce serait vraiment : « Travailleurs de tous les pays, unissez-vous ». Nous faisons tous partie de la même société. Nous avons tous le même objectif : que cette réforme ne passe pas. Et donc il faut penser aux moyens de solidarité.Nous, nous avons pris la grève en marche, mais nous sommes trop nouveaux pour avoir toutes ces démarches interprofessionnelles, même si elles nous préoccupent.

Pour nous, il y a deux choses à faire : ancrer dans l’esprit des gens que les travailleurs du numérique existent, expliquer que ce sont des métiers précaires mais que nous sommes des travailleurs comme les cheminots, les enseignants, etc. et avoir cet objectif d’unification et de prise de conscience de la classe de travailleurs – y compris numériques–, si l’on peut appeler ça comme ça.

[Actualisation : le 5 mars 2020, les community managers ainsi que d’autres travailleurs de Médiapart ont publié un texte de soutien aux étudiants, enseignants et chercheurs en lutte contre la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche.]

ED : Un des enjeux lors d’une grève est de faire venir les gens sur un piquet, pour qu’ils ne soient pas atomisés. Comment appliquer ceci aux travailleurs du numérique ? 

CD : Il y a le discord où des gens se rencontrent, avec des salons de discussion pour toutes les villes. Nous avons aussi des plateformes comme le groupe Facebook pour échanger et dire qui nous sommes. Mais le meilleur endroit pour se rencontrer reste la manifestation. Les gens sont là, ils arrivent dans un groupe, ils ne se connaissent pas : « Bonjour, je m’appelle Maxime, je suis dans telle boîte ». Ça demande du courage d’aller dans un endroit où on ne connaît personne. Maintenant, nous mettons des visages sur des pseudos et nous prenons l’habitude de nous voir, surtout avec les CM et les travailleurs de la recherche et de l’enseignement supérieur. C’est important de se voir physiquement, cela nous implique un peu plus.

ED : L’appel du collectif « onestla.tech » dépasse largement la seule réforme des retraites : il y est aussi question d’inégalités sociales malgré l’augmentation de la productivité permise par le numérique et l’automatisation… Le collectif rappelle aussi la nécessité de la présence de travailleurs en chair et en os, dénonçant la croyance selon laquelle le numérique serait dématérialisé et automatisé.

CD : Leur texte d’appel est limpide et c’est aussi pour ça que nous avons vite voulu les rejoindre : ils intègrent des réflexions sur les coûts écologiques du numérique, sur la possibilité de réduction de temps de travail… L’automatisation au quotidien nous sert, car nous pouvons dégager du temps pour des tâches plus longues, plus intéressantes, pour alléger notre travail. De notre côté, comme nous avons automatisé nos outils de mise en ligne des informations sur les réseaux sociaux, le travail est quand même fait lorsque nous sommes absents (mais moins bien personnalisé).

ED : Est-ce que cet élargissement des réflexions vers le politique et l’économique s’observe chez les participants au mouvement ? Est-ce que l’on constate une politisation des travailleurs du numérique ?

CD : Oui. Au sein du journal tout le monde est politisé, mais les gens se rappellent maintenant qu’ils ne sont pas que des journalistes, des membres du service marketing, design, abonnés, mais qu’ils sont aussi des travailleurs, dans le même bateau. Il y a aussi un salon de discussion sur discord avec des conseils de lecture, des explications de réforme, des débats, où les participants s’inquiètent plus globalement des inégalités sociales, des questions de travail, de modèle économique.

Les gens de la technique n’ont pas forcément eu des cours d’économie ou d’histoire dans leurs études : pour ces corps de métiers, ce mouvement est donc très instructif. On réfléchit autrement quand on est concerné : Quel modèle économique veut-on ? Quelles tactiques adopter pour la mobilisation sociale ? Comme n’importe quelle grande mobilisation, c’est un moment important de politisation et d’apprentissage.


[1] Selon Romain Descottes, permanent CGT à la Fédération des Sociétés d’Etude, le secteur numérique français regroupe actuellement près de 700.000 salariés auxquels s’ajoutent des dizaines de milliers d’indépendants. Ce chiffre englobe des métiers très divers comme les développeurs, ingénieurs web, consultants numériques, administrateurs système, techniciens informatiques et télécom.

Descottes Romain, « Où en est la grève des travailleur.euse.s du numérique ? », Blog de Médiapart, 15 janvier 2020. Consulté sur :  https://blogs.mediapart.fr/romska/blog/160120/ou-en-est-la-greve-chez-les-travailleur-euse-s-du-numerique

[2] Site web avec l’appel du collectif constitué début décembre : onestla.tech

[3] Descottes Romain, « Où en est la grève des travailleur.euse.s du numérique ? », Blog de Médiapart, 15 janvier 2020. Consulté sur : https://blogs.mediapart.fr/romska/blog/160120/ou-en-est-la-greve-chez-les-travailleur-euse-s-du-numerique

[4] « Devons-nous simplement nous arrêter à un débat juridictionnel, ou poser la question du rapport de force ? Si l’on cherche un parallèle aux histoires d’occupation d’usines, que signifie occuper l’espace numérique ? Éditorialiser, comme cela a été proposé lors de notre Assemblée générale ? Bloquer les autoroutes de l’information ? La réponse vive de nos institutions tutelles montre en cela une affirmation d’autorité, mais aussi une réelle inquiétude politique notamment si ces actions de blocage venaient à s’étendre. » 

Les invisibles de l’USR, « Une nouvelle place de grève ? Retour sur un blocage numérique », Blog de Médiapart, 10 janvier 2020. https://blogs.mediapart.fr/les-invisibles-de-lusr-2004/blog/100120/une-nouvelle-place-de-greve-retour-sur-un-blocage-numerique

[5] Community managers en grève, « Le droit de grève à l’ère du numérique », Blog de Médiapart, 15 janvier 2020. Consulté sur : https://blogs.mediapart.fr/community-managers-en-greve/blog/150120/le-droit-de-greve-l-ere-du-numerique

[6] Selon Romain Descottes : « Si les retours ne sont pas si mauvais et font état d’un soutien réel chez une partie des collègues, les taux de grévistes lors des journées interprofessionnelles restent très faibles, allant souvent de 1% jusqu’à 3 ou 4% des salarié.e.s grévistes dans les meilleurs cas. Les AG rassemblent peu de salarié.e.s et peinent donc à être ce catalyseur qui donne de la vitalité à toutes actions collectives ». Descottes Romain, « Où en est la grève des travailleur.euse.s du numérique ? », Blog de Médiapart, 15 janvier 2020. Consulté sur : https://blogs.mediapart.fr/romska/blog/160120/ou-en-est-la-greve-chez-les-travailleur-euse-s-du-numerique

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