LA SURVEILLANCE DE LA PRISON ET LE DROIT DE PLAINTE: ENTRE NÉCESSITÉ ET DÉFIANCES

par | BLE, Confiances Défiances Surveillances, Justice

La thématique de la surveillance est habituellement mobilisée autour du contrôle d’autorités sur les sujets citoyens et sur les enjeux démocratiques qui en découlent. Plus rarement autour du contrôle, par exemple de la société civile, sur les institutions étatiques. Parmi ces institutions, la prison comme lieu de la peine privative de liberté devrait, dans nos sociétés dites progressistes, être au centre de nos préoccupations. Lorsque la liberté constitue un droit et une valeur fondamentale, sa privation et les conditions de celle-ci se doivent d’être mises sous haute surveillance. Ila a pourtant fallu attendre 2019 pour que les commissions de surveillance des prisons deviennent indépendantes et soient liées au parlement et 2020 pour instituer un droit de plainte en prison. Si le dispositif fait l’objet de nombreuses critiques, l’enjeu démocratique de son avènement est crucial et permet, déjà symboliquement, de fragiliser la toute-puissance d’une institution aux caractéristiques totalitaires qui peine à faire entrer le droit en ses murs.

Jusqu’en 2005[1], en notre Royaume, pas de loi qui régit la vie pénitentiaire. On enferme, dès lors, des personnes – pour violation des lois – dans un lieu où règne, à l’inverse, un système purement discrétionnaire régi par un règlement de 1965 et des centaines de circulaires contradictoires et inaccessibles pour les justiciables. Dans le jargon pénitentiaire, on parle d’un système de “faveurs”. Un peu comme au Moyen-Âge. En 1997, comme stagiaire de direction en prison, j’assiste à un “rapport disciplinaire” en présence d’un directeur, d’un chef surveillant et d’un détenu. Le détenu sera sanctionné malgré une très faible probabilité qu’il ait effectivement commis l’infraction. À mon étonnement, face à cette parodie de justice, le directeur me répondra : “je ne tiens pas à avoir les surveillants à dos et risquer une grève”. La messe était dite. Nous voilà plongés dans l’univers opaque de la prison et son carrousel de mesures arbitraires : fouilles abusives, pertes d’activités sans motivation, transfèrements comme sanctions déguisées ou pour gérer la surpopulation carcérale, privations de visites familiales, oublis de détenus au cachot, etc.

Comme, infime mais nécessaire garde-fou, à cet arbitraire, les défenseuses et défenseurs des droits des personnes incarcérées prônent la mise en place d’un droit de plainte. Ce droit de plainte, prévu dans la loi pénitentiaire de 2005, a vu le jour en octobre 2020, soit 15 ans après l’adoption de la loi !

Avant, en l’absence d’une procédure formelle interne de plainte, les personnes incarcérées avaient deux possibilités. D’abord, celle d’intenter un recours devant le Conseil d’Etat et les juridictions de droit commun. Ces recours sont considérés par la cour européenne des droits de l’homme comme ineffectifs car inappropriés pour apporter les réponses rapides et simples aux multiples conflits internes susceptibles de surgir en prison. La seconde possibilité était de s’adresser aux organes de surveillance des prisons (le conseil central et les commissions de surveillance). Ils sont chargés du contrôle indépendant de la prison, du traitement réservé aux personnes détenues et du respect de leurs droits. Ces organes ont été critiqués car étaient organisés par voie administrative et dépendaient du ministère de la Justice. Depuis 2019, avec l’entrée en vigueur des dispositions de la loi de principes relatives au contrôle des prisons, ils ont été réorganisés et dépendent du Parlement. C’est au sein de ces organes que le droit de plainte a été institué. Ces organes de plaintes sont considérés comme des instances juridictionnelles.

Il a donc fallu attendre le 1er octobre 2020 pour mettre en vigueur les dispositions relatives au droit de plainte malgré les recommandations en ce sens, dès 1993 lors de leur première visite et incessantes depuis, du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). Ceci, malgré la condamnation, à plusieurs reprises, de l’Etat belge par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation de l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, pour l’absence de recours effectifs. Et malgré la condamnation, en 2013, de l’Etat belge par un tribunal de première instance pour négligence fautive étant établi qu’un détenu avait été privé de son droit à un recours effectif en raison de l’absence d’entrée en vigueur des dispositions relatives au droit de plainte.[2]

LE DROIT DE PLAINTE[3]

Le conseil central de surveillance pénitentiaire est composé de 12 membres et il y a 33 commissions de surveillance composées de 12 à 18 membres effectifs bénévoles. Trois membres de chaque commission de surveillance sont détachés pour former la commission des plaintes, présidée par une personne titulaire d’un master en droit. Six membres du Conseil central sont choisis pour former les deux commissions d’appel.

En vertu de l’article 148 de la loi de principe, une personne détenue peut se plaindre au sein de la prison formellement de toute décision individuelle prise à son égard par le directeur (ou au nom de celui-ci) auprès de la commission des plaintes de la prison dans laquelle elle séjourne. Un appel est possible. Les quelques premières jurisprudences auxquelles Olivia Nederlandt et Léa Teper (p. 103) ont eu accès illustrent la diversité des problématiques pour lesquelles les commissions des plaintes peuvent intervenir (manque d’indices individualisés pour une fouille à corps, sanctions disciplinaires ou mesures de sécurité particulières déguisées, etc.).

La plainte est déposée par écrit[4] et doit mentionner la décision contestée et les motifs de la plainte. Elle doit être introduite au plus tard le 7e jour suivant celui où il a eu connaissance de la décision. Le directeur a 48h pour remettre ses observations et il peut proposer une médiation. En effet, préalablement au traitement de la plainte, la commission de plaintes peut demander à la commission de surveillance d’organiser une médiation entre le plaignant et la direction. Dans cette hypothèse, la commission de surveillance informe de l’arrangement obtenu ou de l’abandon de la plainte par le détenu, lequel clôt la procédure. Notons d’emblée que jusqu’à aujourd’hui, les médiations sont peu usitées et elle ne se font quasi jamais en “face à face”. Si l’on comprend le souci de proposer une modalité de résolution de conflits souple et à même de limiter un raidissement des relations interpersonnelles, la médiation (comme le dispositif du droit de plainte) semble, aussi, et surtout, venir éprouver l’autorité des directions dans un univers, aux caractéristiques totalitaires, qui tolère peu la mise en cause de ses actes, aussi répréhensibles soient-ils. On peut aussi s’interroger sur l’insuffisante formation pour se sentir légitime dans cette délicate mission de médiation (actuellement un cycle de 2X 3h30 a été proposé dont une formation pratique mais “en distanciel”). Si la commission décide qu’elle est compétente pour statuer sur la demande et si elle est justifiée, elle peut déclarer la plainte en tout ou partie recevable, non fondée ou fondée. Si la plainte est fondée, la commission peut annuler la décision ou ordonner au directeur de prendre une nouvelle décision. Les décisions sont souvent prises lorsque l’objet de la plainte est caduc (exemple, la sanction a été exécutée). Des compensations (non financières) peuvent alors être octroyées : “une commission a, par exemple, accordé à un détenu une formation en français après avoir constaté que son manque de maîtrise de la langue était à l’origine de son infraction disciplinaire. Une autre a octroyé trois visites virtuelles à un détenu qui avait subi une sanction d’isolement en cellule d’une durée disproportionnée” (p. 118) Notons qu’on assiste à un nivellement vers le bas puisque dans le système précédent, des indemnités de procédure étaient octroyées. Il est fort probable également que cette possibilité soit vécue par les directions et par le personnel pénitentiaire comme une ingérence dans leur gestion pénitentiaire.

Un appel est possible auprès du Conseil central (procédure que nous ne développerons pas ici).

LES MISSIONS DE CONTRÔLE ET DE TRAITEMENT DE LA PLAINTE SONT-ELLESCOMPATIBLES ?

Les critiques à l’égard du dispositif sont nombreuses, mais la plus prégnante est celle de la confusion des rôles. Les missions des commissions de surveillance sont, pour rappel, d’exercer un contrôle sur la prison et d’assurer la médiation entre le directeur et les personnes incarcérées concernant des problèmes portés à la connaissance des membres de la commission de surveillance. Contrôler une prison nécessite de garantir son indépendance à l’égard de l’institution concernée et sa liberté de parole et d’action. Tandis que médier une relation, nécessite de “faciliter” une discussion et de faire preuve d’impartialité. N’y a-t-il pas confusion des rôles ? Comment rester neutre tout en dénonçant à d’autres moments, des pratiques dans le cadre de ses fonctions de contrôle et de surveillance.

Avec l’avènement du traitement de la plainte (puisque les commissions de plaintes sont composées de 3 membres des commissions de surveillance), les commissions peuvent cumuler contrôle, médiation et fonction juridictionnelle. En tant que juridictions devant connaître de décisions prises par la direction d’un établissement pénitentiaire ou en son nom, décisions qui peuvent avoir des conséquences importantes pour les détenus concernés, ces organes doivent respecter les critères d’indépendance et d’impartialité propres à toute juridiction. Il semble que ces organes ne répondent pas à suffisance à ces garanties.[5]

Pour le conseil central de surveillance, cette mixité entre mission de surveillance et compétence juridictionnelle (plainte), inspiré du système néerlandais, est une plus-value : les deux missions doivent être “étroitement liées” et poursuivent chacune la “protection juridique des détenus”.[6]

LA RÉCEPTION DU DROIT DE PLAINTE PAR LES DIRECTIONS D’ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

La critique la plus récurrente est celle de la charge de travail colossal que la procédure implique. Selon Vincent Spronck, qui représente l’Association francophone des directeurs, chaque plainte introduite nécessite 6h de travail (pour un ratio de 10 % de plaintes fondées). Ces critiques déplorent le manque de moyens face à ceux des commissions (qui disposent d’un staff de 10 juristes). Le dispositif est donc vécu comme lourd et disproportionné quant au temps à y consacrer : ce temps chronophage consacré au traitement des plaintes individuelles est ôté à celui destiné à améliorer les problèmes structurels de l’institution. Pour Emily Laer (juriste auprès des commissions de plainte), l’analyse des plaintes permet au contraire de mettre en évidence ces problèmes structurels. Elle donne l’exemple de l’absence de l’avis, du médecin, pourtant obligatoire, lors de la mise au cachot d’internés.

On peut aisément comprendre cette “plainte” d’une surcharge de travail administratif “dans un contexte de rationalisation du personnel et de manque d’effectifs, pour des directeurs dont le métier repose de plus en plus sur des logiques de rationalisation managériales, les rendant moins présents sur le terrain”. Olivia Nederlandt et Léa Teper poursuivent en craignant “que sans investissement humain et financier additionnel, le fossé entre les détenus et le personnel pénitentiaire se creuse davantage, au détriment de l’objectif de dialogue pourtant poursuivi par la loi pénitentiaire” (p.130). Un tel effet nous semble d’autant plus probable en l’absence d’une politique sérieuse de réduction de la population pénale.

Les directions regrettent également la méconnaissance de certains membres des commissions du fonctionnement basique des prisons (la loi ne subordonne pas le statut de commissaire des plaintes à l’obligation d’avoir exercé la fonction de commissaire de surveillance pendant un temps déterminé), ce qui peut renforcer les tensions et les possibilités de médiation. Certains directeurs suspectent certains membres des commissions de “faire de l’activisme politique” en poussant les personnes incarcérées à porter plainte et ce faisant, les instrumentalisent. Cette remarque est très intéressante car elle dévoile la difficulté d’importer le droit en prison. C’est comme si l’information même de l’existence d’un droit de plainte est considérée comme “dangereuse”. Pendant nos ateliers d’expression citoyenne en prison[7], les directions et le personnel pénitentiaire semblaient aussi considérer que la transmission de la loi pénitentiaire aux détenus, par les animateurs, était un acte subversif. Cette impossibilité de “dire et faire le droit” en prison, devrait être analysée plus profondément.

Enfin, ce dispositif centré contre les décisions du directeur entache considérablement l’image et l’autorité de celui-ci.

Vincent Spronck, se demande, comment réagirait un directeur d’hôpital face un tel dispositif ? Les directions semblent dire, au fond, que le dispositif renforce les problèmes qu’il est censé résoudre. Il est intéressant de constater qu’il s’agit de la critique majeure qu’on peut émettre à l’égard de la prison elle-même.

PREMIERS CHIFFRES ET CONCLUSION

Au 15 janvier 2021 (p. 123), 388 plaintes ont été déposées devant les commissions des plaintes (242 en région flamande et 113 en région wallonne). Sur les 388 plaintes, 131 plaintes ont été déclarées irrecevables, 42 plaintes fondées et 65 plaintes non fondées (nous en déduisons que 150 plainte relèvent d’une autre catégorie. Selon Marc Nève, président du Conseil central de surveillance, un peu moins de 20 % des plaintes sont déclarées fondées. Il semblerait que la commission d’appel se prononce quasi systématiquement en faveur des directions. Est-ce qu’ici la critique d’impartialité vaut encore ?

Qu’en retirer à ce stade ? Comme le rappellent Olivia Nederlandt et Léa Teper, ce droit offre aux personnes détenues la possibilité de porter leurs voix devant un organe composé de citoyens qui ont pu découvrir sur le terrain, dans le cadre de leur mission de surveillance, le fonctionnement des prisons et les difficultés propres à l’incarcération. Parce qu’il pourrait conduire à rééquilibrer les rapports de force en prison, le droit de plainte était attendu” (p.128). Il y a toutefois consensus pour déplorer l’’insuffisante formation des membres des commissions (mais aussi des avocats et des personnels pénitentiaires d‘ailleurs) et, pour certains, le cumul incompatible des missions. Se pose également la question de la professionnalisation de ces organes juridictionnels.

L’accueil plus que mitigé des personnels pénitentiaires est inquiétant et il serait important d’analyser les effets de ces réticences sur la vie pénitentiaire. Les personnes incarcérées subissent-elles des représailles, des mesures de rétorsion dans un univers qui reste fondamentalement arbitraire dans sa structure et ses mécanismes de fonctionnement ? Une inquiétude partagée par Olivia Nederlandt et Léa Teper : “l’étude de l’effectivité des recours en milieu pénitentiaire démontre en effet que de nombreuses personnes détenues n’osent exercer un recours, car elles savent que faire valoir ses droits peut conduire à être “mal vues” par certains membres du personnel pénitentiaire qui n’apprécient pas les détenus dits “procéduriers” ou “revendicateurs”. Les potentielles conséquences négatives pour le régime de détention et les possibilités de libération anticipée qui peuvent en découler constituent des obstacles importants à l’exercice de recours par les personnes détenues” (p. 129). Elles se demandent aussi si les décisions sont et seront convenablement exécutées ?

Il nous semblerait judicieux de faire une recherche auprès des personnes incarcérées, sur la réception, les effets et le vécu de ce dispositif de plainte et s’enquérir de l’information qu’ils en reçoivent. En attendant nous récoltons déjà, à notre mesure, des informations grâce à la Ligne info’ Prison qui est une initiative créée pendant la crise sanitaire par plusieurs associations inquiètes et alarmées par l’oubli (déjà abyssal hors crise sanitaire) dans lequel les personnes détenues et leurs proches ont été maintenus pendant l’épidémie (Genepi Belgique, OIP, LDH, Clac). Enfin, alors que les directions plaident pour un allégement de la procédure, certaines directions plaident aussi avec les défenseuses et défenseurs des droits des personnes incarcérées pour la mise en place de réels mécanismes nationaux de prévention, visant l’instauration d’un double contrôle (international et national) sur les lieux privatifs de liberté. Un mécanisme décrit dans le protocole facultatif à la convention contre la torture, signé mais non encore ratifié par la Belgique.[8]

En attendant, nous observerons avec intérêt le travail du Conseil central de surveillance (et de ses commissions) qui est garant de l’exécution des décisions et qui est, à présent, redevable devant la chambre des représentants dont il dépend et à qui il doit faire rapport. Ce regain de démocratie doit être salué et devrait, en toute logique, activer l’intérêt de nos élus, qui ne sont pas nombreux à avoir franchi les portes des prisons alors qu’il s’agit d’un droit consacré. Dans l’intervalle, nous continuerons à inciter la société civile, les citoyens et les politiques à entrer dans les prisons et à faire connaissance avec ce monde complexe et liminal. Nous constatons que ces problèmes ne font que s’ajouter au tas déjà immense de problèmes que la prison pose à notre société.


[1] La loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus porte sur les grands principes et le statut juridique interne qui a trait aux conditions de vie à l’intérieur de la prison (conditions matérielles de détention, activités, travail pénitentiaire, religion et philosophie, santé pénitentiaire, surveillance des prisons, droit de plainte …).

[2] Pour retrouver les références de ces recommandations et condamnations : Olivia Nederlandt, Léa Teper, “Le droit pénitentiaire va-t-il enfin prendre son envol ?” In H. Bosly, Ch. De Valkeneer (dir), Actualités en droit de l’exécution des peines et de l’internement, Bruxelles, Larcier, 2021, pp. 74 et 75..

[3] L’avènement en Belgique d’un droit de plainte étant récent, le présent article se base sur les interventions d’un Après-midi d’étude sur “le droit de plainte en prison : premier bilan d’application”, 30 avril 2021, Centre de recherche Pénalité, sécurité et déviance, ULB et sur la contribution écrite très complète et rigoureuse de Olivia Nederlandt et Léa Teper, ibid, pp. 69-173. Les prochaines citations non référées proviennent de cette contribution.

[4] Pour faciliter l’accès au recours, un formulaire standardisé est mis à la disposition des détenus par la prison et est également disponible sur le site internet du Conseil central (https://ccsp.belgium.be/)

[5] https://www.liguedh.be/la-reforme-du-conseil-central-de- surveillance-penitentiaire/

[6] Sandra Berbuto, “Le droit de plainte des détenus, faut-il s’en plaindre ?”, Le Pli juridique, 2020, n° 52, p. 61

[7] Ateliers d’expression citoyenne menés en prison par des travailleurs de Bruxelles Laïque. Tolley, C., Van Neijverseel, J., “Atelier d’expression citoyenne à la prison de Forest” In Aux grands mots les grands remèdes ? Bruxelles Laïque Echos n°68, 2010.

[8] Pour comprendre cette matière complexe de l’OPCAT : https://www.liguedh.be/la-reforme-du-conseil-central-de- surveillance-penitentiaire/

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