L’ANTHROPOCÈNE : L’ÂGE DE L’INHUMAIN

par | BLE, DES.HUMANISMES, Politique

Cela fait presque soixante ans que Michel Foucault, dans Les mots et les choses, déclarait la « mort de l’homme », par quoi il entendait non pas la disparition de l’espèce humaine, mais l’obsolescence d’une figure de pensée historiquement située, élaborée par les discours scientifiques modernes, en particulier les sciences humaines : « un être vivant, travaillant et parlant, doué de représentation, objet et condition de possibilité de la biologie, l’économie et la philologie, à la fois déterminé par les phénomènes de la vie, de l’économie et du langage et déterminant la possibilité de leur connaissance ».[1] Force est de constater que, contrairement à la prédiction de Foucault, l’humain comme figure de discours se porte aujourd’hui comme un charme. Ironiquement, cela est dû précisément à la crainte – à la fois exploitée, amplifiée et élaborée par le discours « collapsologiste »[2] – d’une possible disparation de l’humain en tant qu’espèce, ou du moins d’un effondrement civilisationnel tel que son destin échapperait de ses mains.

Cette crainte est liée à la prise de conscience par un nombre croissant de personnes des transformations occasionnées par le saccage méthodique des écosystèmes à l’échelle planétaire par les modes de production, de consommation et de coexistence propres à la société de marché et en particulier à la phase actuelle du capitalisme néolibéral. Un consensus scientifique existe désormais à ce sujet[3] : l’agglomération des crises écologiques, l’appauvrissement dramatique de la biodiversité, l’épuisement des ressources naturelles, l’érosion des sols, le réchauffement climatique et son lot de catastrophes naturelles, la montée du niveau des mers et des océans sont des phénomènes globaux dont la conjonction actuelle peut se ramener à un seul et unique facteur, l’activité humaine sous la forme qu’elle a prise dans la civilisation industrielle moderne. La crainte de l’effondrement et le consensus scientifique sur lequel elle se fonde pointent tous deux vers l’intuition selon laquelle « l’espèce humaine est devenue une force géologique globale », marquant l’entrée dans une nouvelle ère géologique appelée Anthropocène, c’est-à-dire « l’âge de l’humain ».[4]

Si la prédiction de Foucault concernant la « mort de l’homme » s’est ainsi avérée inexacte, nous aurions tort de refouler une intuition fondamentale de son travail : « l’homme » en tant qu’objet des discours qui portent sur lui n’est pas purement extérieur à ces derniers, mais est construit dans et par ces discours eux-mêmes. Cette idée peut s’appliquer au discours sur l’Anthropocène et la figure de l’humain qu’il charrie. En effet, celui-ci ne se contente pas de fournir des données et des prédictions sur l’évolution climatique de la planète, mais propose également un récit expliquant comment l’humanité est devenue une force géologique. Avec le discours anthropocénique, ce n’est donc pas seulement la figure de l’humain qui fait son retour fracassant, mais également un type de discours qui, à en croire les auteurs annonçant l’avènement de la postmodernité, était censé avoir définitivement disparu : celui des grands récits propres à la philosophie de l’histoire.[5] Cette dernière peut être caractérisée comme une mise en récit d’événements historiques jugés significatifs et signifiants d’après un principe d’ordre permettant de fournir un diagnostic de l’époque présente et un pronostic de ce qui est à venir. Derrière l’aspect théorique d’un tel exercice consistant à faire émerger une voie possible de développement d’une situation sociale donnée à partir de sa genèse hypothétique se cache une rationalité pratique et politique dont l’objectif est de mobiliser des forces sociales en donnant des raisons d’agir dans le présent afin de réaliser ladite voie de développement (ou à l’inverse empêcher sa réalisation).[6]

D’après la version grand public du récit anthropocénique, si les humains ont toujours eu un rapport métabolique spécifique avec leur environnement, ce n’est qu’à partir de la révolution industrielle et avec la combustion massive de matières fossiles qu’ils sont devenus capables de modifier en profondeur la « composition chimique de l’atmosphère et des océans à un niveau global ».[7] L’exploitation des énergies fossiles démultiplie la puissance productive de l’humanité et permet le développement de technologies et de pratiques (de transport, de production de masse de marchandises, de fertilisants synthétiques, etc.) qui à leur tour impactent en profondeur la biosphère (explosion démographique, urbanisation, déforestation, pollution, etc.). C’est pourquoi, cette narrative de l’Anthropocène fait débuter celui-ci à la date symbolique de 1784, moment où James Watt fait breveter sa machine à vapeur. Toujours selon ce récit dominant, la première et longue phase de l’entrée dans l’Anthropocène aurait duré jusqu’en 1940 et aurait été suivie par la « Grande Accélération » (expansion exponentielle au niveau mondial de la démographie, des flux de capitaux, du commerce, de la production, des avancées technologiques, etc., avec les conséquences climatiques connues), relayée ensuite par la troisième (et présente) phase ayant débuté avec le Sommet de la Terre de Rio en 1992, marquant l’advenue d’une conscience globale quant à la réalité de l’Anthropocène.

D’après Pierre de Jouvancourt et Christophe Bonneuil, « [l]e grand récit dominant de l’Anthropocène s’apparente (…) à une épopée en ce qu’il exalte un grand sentiment collectif (le fait d’appartenir à l’espèce humaine) dans lequel le protagoniste est engagé de façon indifférenciée (…) et pris involontairement dans un destin qui le dépasse, où ni la catégorie de l’action ni celle d’agent ne sont clairement dessinées ».[8] À y regarder de plus près, plusieurs des présupposés de ce récit apparaissent en effet comme problématiques. Tout d’abord, Steffen et ses collègues ont tort de penser que nous serions « la première génération à disposer d’un savoir étendu de la façon dont nos activités influencent le système Terre ».[9] Se basant sur un florilège d’exemples de manifestations de la réflexivité environnementale aux 18e et 19e siècles « par des savants lanceurs d’alerte, des artisans et ouvriers luddites, et par les multitudes rurales au Nord et au Sud perdant les bienfaits de biens communs appropriés, marchandisés, détruits ou pollués », ainsi que sur des interventions de partisans de l’industrialisation attestant que ceux-ci étaient parfaitement conscients des conséquences environnementales de leurs actions depuis les débuts, Jouvancourt et Bonneuil concluent que « nous devons (…) penser l’entrée puis l’enfoncement dans cette nouvelle époque géologique comme un choix opéré par certaines élites (personnes ou groupes) de l’économie-monde en dépit d’alertes et de critiques socio-environnementales ».[10]

Cela revient du même coup à remettre en cause un autre présupposé fondamental du discours anthropocénique, à savoir l’unité et l’homogénéité de l’humanité, « uniformément concernée, voire, implicitement, uniformément coupable ».[11] Ce n’est en effet pas une humanité abstraite et dans son entièreté qui est responsable de l’entrée dans l’Anthropocène, mais certains groupes sociaux bien précis et numériquement minoritaires, qui en font payer le prix aux groupes les plus dominés et les plus vulnérables. Comme l’écrivent Jouvancourt et Bonneuil, « [s]i le Grand Récit officiel de l’Anthropocène orchestre le retour en fanfare de ‘‘l’espèce humaine’’, la situation que nous vivons, avec les dimensions de justice sociale, environnementale et intergénérationnelle en jeu dans les dérèglements écologiques, fournit la démonstration la plus éclatante que l’humanité prise comme un tout n’existe pas ».[12]

La géographe Kathryn Yusoff abonde en ce sens, tout en déplaçant la problématique d’une manière décisive en la liant à l’histoire de la colonisation, de la traite négrière et du racisme. Selon elle, le « nous » du récit dominant de l’Anthropocène « nie toute responsabilité quant à la façon dont la richesse de cette géologie a été construite à partir des strates sous-jacentes du génocide et de l’effacement indigènes, de l’esclavage et du travail carcéral, et élude ce que cette accumulation de richesse rend encore possible dans le présent (…) ».[13] Pour Yusoff, où que l’on situe le « clou d’or »[14] signalant l’entrée dans l’Anthropocène, celui-ci ne peut être correctement théorisé sans compter parmi ses conditions de possibilité les processus de déshumanisation massifs qu’ont été la colonisation des Amériques et la traite transatlantique des Noirs africains, tous deux étant des moments essentiels de l’accumulation primitive capitaliste.

Il s’agit là d’une proposition décisive. Si l’un des apports principaux de la notion d’Anthropocène réside dans le fait « d’introduire conjointement l’agir humain dans la pensée des sciences de la terre et de la vie, et, réciproquement, d’introduire les métabolismes écologiques (matière, énergie…) dans la pensée des collectifs humains »[15], la proposition de Yusoff permet de saisir la charnière qui rend possible cette interpénétration réciproque (ou hybridation) des grammaires de la géologie d’une part et des sciences humaines de l’autre, ou encore du non-humain comme matière non-vivante, sans subjectivité, d’un côté, et de l’humain comme organisme vivant, sentant, pensant, doté de subjectivité, de l’autre. Cette charnière n’est autre que la catégorie de l’inhumain, telle qu’elle s’est constituée de manière paradigmatique dans la figure de l’esclave, que Yusoff caractérise avec l’oxymore de « sujet géologique » : un humain sans subjectivité, chosifié en propriété privée, en réservoir d’énergie et en objet de jouissance du maître blanc.

D’après Yusoff, c’est le désir d’appropriation extractive des « propriétés inhumaines » de la matière organique et inorganique (l’or, l’argent, le charbon, le sucre, etc.), nécessitant à son tour l’appropriation d’une force de travail humaine capable de les extraire, mais aussitôt assimilée au régime du minéral, qui est à l’origine de la catégorie inhumaine de « sujet géologique » et qui rend compte en même temps de la constitution du complexe de l’extractivisme. Celui-ci peut être défini en tant que la « mise en place de techniques d’extraction sélective de certains éléments d’un écosystème complexe, en les traitant comme des ‘‘actifs’’, dans lesquels s’investissent des anticipations de profits financiers ».[16] L’esclavage comme technique de déshumanisation par géologisation de sujets humains ne serait donc pas tant une confusion entre sujet et objet, mais plutôt « une soumission totale au principe d’extraction »[17], qui se révèle être le principe moteur de l’Anthropocène.

Si le « nous » générique du discours anthropocénique est problématique, c’est parce qu’il efface la perspective des millions d’êtres humains boutés hors de l’humanité sur le sang et la chair desquels le monde d’aujourd’hui s’est bâti. Pour ne pas reproduire et perpétuer la violence de ces relations, il faut regarder en face le fait que la théorisation de l’Anthropocène intervient seulement au moment où le Nord global commence à se sentir touché par le choc en retour de dégâts qui avaient été sciemment exportés vers le Sud depuis des centaines d’années, sous les mots d’ordre de la civilisation, du progrès, de la modernisation et du développement.[18] Le discours anthropocénique est douloureusement insensible au fait que pour maints peuples du Sud global, la fin du monde miroitée par les collapsologues a déjà eu lieu. Pour d’autres, elle a lieu aujourd’hui même. Inclure sans plus ces populations et leurs descendants contemporains dans le « nous » de l’Anthropocène ne fait pas qu’effacer leurs expériences et perspectives, mais méconnaît également le rôle joué par les processus de déshumanisation dans la genèse des inégalités raciales, sociales, économiques, sexuelles et de genre, qui sous-tendent l’entrée et l’enlisement contemporain dans l’Anthropocène.

Les destructions propres à l’Anthropocène sont ancrées dans et perpétuées par un ordre économique et politique international qui transforme, encore aujourd’hui, de vastes pans de la population mondiale, en particulier du Sud global, en sujets géologiques. Les expropriations des terres indigènes et paysannes, la déforestation en vue de monocultures intensives, de constructions de pipelines ou de mines se font dans la même logique extractiviste et coloniale de jadis. Les programmes d’ajustement structurels exigés par le FMI et la Banque Mondiale, le démantèlement des services publics et sociaux, la perpétuation du « système dette »[19], le chômage de masse, l’instauration de zones de libre-échange ou encore d’enclaves néocoloniales d’extraction minière (de métaux rares, notamment) contrôlées par des armées privées où les travailleurs et travailleuses (dont des enfants) sont chroniquement sous-payés, maltraités et exposés à de graves dangers sanitaires, des guerres pour l’appropriation des ressources, etc. – tout cela contribue à créer des conditions de vie proches de l’invivable dans maints pays du Sud global, poussant des masses d’êtres humains sur les voies de la migration.

Au cours de leur périple migratoire, ces personnes à la recherche d’un refuge cheminent côte à côte avec la mort et beaucoup sont systématiquement déshumanisés. C’est là le résultat des politiques migratoires des pays du Nord. Ceux-ci font aussi tout leur possible pour que, une fois arrivés à destination, la vie de celles et ceux qui ne meurent pas en route continue d’être dévaluée – en tant qu’étrangers et en tant que travailleurs sans-papiers. Cette dévaluation a pour fonction la création d’une « armée de réserve » servant à tenir en respect la classe travailleuse locale et d’offrir en même temps une force de travail peu coûteuse dans les secteurs les plus dévalorisés de la production et reproduction sociale.[20] Au-delà la captation et le transfert de valeur économique du Sud vers le Nord via l’exportation et la dévaluation de la force de travail, ces politiques de la mort nourrissent et renforcent l’imaginaire séculier de suprématie raciale selon laquelle certaines vies humaines valent davantage que d’autres, et sont donc, en cela, plus humaines que les autres. Mais ces logiques de dévaluation de la vie et de hiérarchisation des êtres humains ne visent pas uniquement les étrangers sans-papiers : elles s’appliquent également aux minorités nationales non-blanches[21], aux allocataires de minima sociaux[22], aux personnes sans-chez-soi[23], aux personnes en situation de handicap[24], aux personnes incarcérées[25], etc.

Quelles sont les implications de cette approche de l’Anthropocène pour l’humanisme contemporain ? La première, négative, est que l’humanité n’est, à l’heure actuelle, ni unitaire, ni homogène. Elle demeure clivée par des pratiques et des logiques séculières de déshumanisation et de hiérarchisation des êtres humains qui ont rendu possible l’entrée dans l’Anthropocène. La deuxième est que l’ordre économique et politique mondial continue de se fonder sur ces pratiques et logiques, dont les domaines d’application s’étendent désormais sur des groupes humains, notamment dans le Nord global, auparavant épargnés. Il en découle que si, en tant qu’humanistes, nous voulons mettre fin aux dévastations anthropocéniques, c’est avant tout ces logiques et pratiques que nous devons combattre. L’unification de l’espèce humaine – c’est-à-dire la suppression de la déshumanisation et de la catégorie de « sujet géologique » – est, de fait, une condition sine qua non de la sortie de l’âge de l’inhumain. Mais cela ne sera possible que si l’on comprend que les pratiques et logiques de déshumanisation sont intimement liées à l’ordre économique et politique de la société de marché et à la pulsion extractiviste et coloniale qui l’anime. C’est en participant aux luttes contre cet ordre et cette pulsion que les humanistes d’aujourd’hui peuvent œuvrer à la réalisation de l’idéal d’une humanité unitaire et donc véritablement universelle.


[1] Daniel Liotta, « Foucault : introduction à la critique de l’humanisme », Humanisme, N. 293, 2011/3, Éd. Grand Orient de France, p. 36.

[2] Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, Seuil, Paris, 2015.

[3] Voir le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) : https://climat.be/changements-climatiques/changements-observes/rapports-du-giec.

[4] Will Steffen, Jacques Grinevald, Paul Crutzen et John McNeill, « The Anthropocene: conceptual and historical perspectives », Philosophical Transactions of the Royal Society A, 369(1938), p. 843.

[5] Jean-François Lyotard, La condition postmoderne, Paris, Minuit, 1979.

[6] George Markus, Marxism and Anthropology. The concept of ‘human essence’ in the philosophy of Marx, transl. E. de Laczay and G. Markus, Assen, Van Gorcum, 1978, p. 53.

[7] Will Steffen et al., art. cit., pp. 847-848.

[8] Pierre de Jouvancourt et Christophe Bonneuil, « En finir avec l’épopée », Terrestres [En ligne], 9 juin 2014, URL : https://www.terrestres.org/2014/06/09/en-finir-avec-lepopee/#_ftnref28 [consulté le 31 mai 2024].

[9] Will Steffen et al., art. cit., p. 853.

[10] Pierre de Jouvancourt et Christophe Bonneuil, art. cit. (Souligné dans le texte.)

[11] Ibid.

[12] Ibid. (Nous soulignons.)

[13] Kathryn Yusoff, A Billion Black Anthropocenes or None, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2018, p. 100 (nous traduisons).

[14] Le « clou d’or » (en anglais : Golden Spike) est un « point stratotypique mondial » (ou « PSM »), c’est-à-dire un marqueur, universellement reconnu, de la limite entre deux « étages » géologiques, signalant le passage d’une époque géologique à une autre.

[15] Pierre de Jouvancourt et Christophe Bonneuil, art. cit.

[16] Yves Citton et Jacopo Rasmi, « Le Plantationocène dans la perspective des undercommons », Multitudes, 2019/3 (N. 76), p. 78.

[17] Kathryn Yusoff, op. cit., p. 16.

[18] Ibid., p. 2.

[19] Sur cette question, voir les publications du CADTM sur le site https://www.cadtm.org/Belgique.

[20] Silvia Federici, « Reproduction and Feminist Struggle in the New International Division of Labor », In : Revolution at Point Zero. Housework, Reproduction, and Feminist Struggle, PM Press, 2012, p. 70.

[21] Voir Norman Ajari, La dignité ou la mort, Paris, La Découverte, 2019.

[22] Voir Gabor Tverdota, « L’État social actif et ses pauvres. Réflexion sur la dimension culturelle des politiques d’activation », Publications de l’ARC asbl, 1er octobre 2017 [en ligne]. URL : https://www.arc-culture.be/wp-content/uploads/2021/05/Arc-2017-Etude-Etat-Social-Actif.pdf

[23] Voir Nicolas Marion et Gabor Tverdota, « Hobo Sacer ou l’hypothèse de l’oppression nécropolitique des sans-abris », Symposium: Canadian Journal for Continental Philosophy, Vol. 23, N. 1, printemps 2019.

[24] Charlotte Puiseux, De chair et de fer. Vivre et lutter dans une société validiste, Paris, La Découverte, 2022.

[25] Ruth Wilson Gilmore, Golden Gulag. Prisons, Surplus, Crisis, and Opposition in Globalizing California, University of California Press, 2007.

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