En tant que laïques, nous sommes fondamentalement attachés à l’idée de progrès et au projet des Lumières dont nous sommes issus. Un bel idéal selon lequel la raison, la confrontation des idées, la diffusion des savoirs, la connaissance du monde et le développement des sciences allaient libérer l’humanité des superstitions, des savoirs obscurs et des pouvoirs occultes et permettre d’atteindre le bonheur commun. Nous partageons toujours ce combat contre les oppressions politiques ou religieuses, contre l’absolutisme, l’arbitraire et l’obscurantisme. Nous n’avons pas oublié que ce progrès a permis d’éradiquer nombre de maladies et d’allonger l’espérance de vie, qu’il a inspiré les grandes révolutions et l’avènement de la démocratie, qu’il a facilité nombre de tâches jadis pénibles et décuplé les possibilités de l’humain.

En tant que laïques, nous avons également une conscience sociale, des préoccupations environnementales et, bien entendu, un esprit critique affuté. Aussi, devons-nous bien constater que les promesses des Lumières et les espoirs associés au progrès des sciences et des technologies ne se sont pas tous réalisés. Leurs développements ont un coût social, écologique et éthique dont on commence seulement à mesurer l’ampleur depuis quelques décennies. Que ce soit dans le monde du travail, dans la vie quotidienne ou dans les relations internationales, les avancées exponentielles des technologiques se sont répandues au détriment de l’égalité, de la qualité et du sens de la vie.

Ayant gagné une telle puissance, la technoscience n’est-elle pas devenue elle-même un pouvoir occulte, les algorithmes des savoirs obscurs  et la pensée du progrès une idéologie dogmatique ? Aux espoirs d’une technologie au service du bonheur de l’humanité a succédé le malheur d’une humanité asservie aux technologies. Certaines personnes et entreprises y ont trouvé un magnifique instrument d’enrichissement et de pouvoir.

Cette évolution et ce retournement de l’idéal des Lumières contre lui-même n’étaient pas inévitables, intrinsèquement liés à la démarche rationnelle. Toujours est-il qu’aujourd’hui nombre d’humanistes, de militants de l’émancipation et de l’épanouissement humains – sans parler des défenseurs de la nature – contestent l’idée de progrès et affichent une grande méfiance à l’égard de la technologie. Le progrès social et le progrès scientifique se sont dissociés voire opposés.

Avec ce nouveau dossier de Bruxelles Laïque Échos, nous vous proposons de chercher des voies et des précautions à prendre pour les amener à se retrouver, se réconcilier voire se renforcer l’un l’autre. Il s’agit de réfléchir à un projet de société qui tienne compte de l’évolution rapide du monde et qui ait pour balises et objectifs l’épanouissement de l’humain dans un monde vivable et durable, l’élargissement des libertés et des solidarités, la construction commune et le bonheur de tous sur terre.

Vaste dessein auquel les humanistes – et peut-être aujourd’hui certains transhumanistes – œuvrent depuis des siècles sans toujours être d’accord sur la manière de s’en rapprocher. Comme en témoignent les différents points de vue réunis dans ces pages que je vous invite à lire avec curiosité, projection dans l’avenir et esprit critique.

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