Toute société a ses interdits, comme chacun de nous a ses lignes de conduite, ses fils rouges. Les interdits et les tabous jouent souvent un rôle positif dans la cohésion sociale, en érigeant en principes et en lois les grandes lignes directrices de ce qui est permis et de ce qui ne l’est pas, tant au niveau politique que symbolique.
À l’inverse, dans la pratique, l’exercice des libertés est entravé par une série d’abus de pouvoir qui se traduisent par des restrictions injustifiées et des opportunités, notamment de contestation, bafouées. La multiplication des recours aux interdictions par les pouvoirs publics nous interpelle. Si les interdits sont nécessaires, il faut néanmoins les questionner sans relâche dans une démarche citoyenne libre-exaministe afin de les faire évoluer. Si nous admettons le rôle positif des interdits et des tabous, nous devons, par contre, nous méfier des dangers liés à leur application sans nuances.
Mis à part les tabous universels de l’inceste et du meurtre, plusieurs tabous s’inscrivent dans des zones grises, à mi-chemin entre moralité et légalité, entre réactions viscérales héritées de l’évolution et justifications rationnelles. La construction sociale et la reproduction des tabous se produisent généralement dans l’interstice entre lois et mœurs. Mais elles peuvent parfois se retrouver totalement en marge des lois, souvent justifiées par des raisons relevant de la croyance en une quelconque transcendance, ce que nous nous gardons bien de faire ici. Nous faisons plutôt l’exercice de nous confronter à la complexité du monde, en ayant un souci de la nuance et toujours avec la dignité humaine et l’émancipation comme valeurs cardinales.
Dans ce numéro du Bruxelles Laïque Echos, nous vous proposons d’aborder les principaux tabous de société liés à la sexualité, à la culture démocratique et, également, à la question des stupéfiants. Cette dernière a fait l’objet de campagnes au sein du mouvement laïque, notamment pour la légalisation du cannabis. La loi belge anti-drogues fêtera son centième anniversaire, fin février prochain et notre institution fait partie, depuis le début, de l’initiative STOP1921. Les articles proposés abordent des sujets variés, allant de l’utilisation de la technologie dans la démocratisation du plaisir sexuel, à l’invisibilisation du sexe féminin dans la culture populaire, jusqu’aux incohérences découlant des politiques prohibitionnistes et en passant par les tabous politiques, notamment les tabous intergénérationnels tels que celui du franquisme dans l’Espagne post-révolution démocratique. Nous vous proposons donc une large gamme d’approches et de méthodes, dénuées d’intentions moralisatrices, vous permettant de nourrir une réflexion personnelle, de prendre du recul, mais aussi de mieux vous positionner sur des enjeux souvent délicats.
En cette fin d’année particulière et malgré toutes les interdictions auxquelles nous sommes soumis, nos esprits ne seront pas confinés. Continuons à réfléchir librement aux différents sujets qui influencent notre condition humaine.
Nous vous souhaitons beaucoup de sérénité pour l’année à venir.