La thématique choisie pour ce dossier de notre Bruxelles Laïque Échos résonne pleinement avec l’actualité. Depuis quelques mois, notre protection sociale défraie la chronique : exclusions du chômage, entrée en vigueur du Projet individualisé d’intégration sociale généralisé à tous les nouveaux usagers de CPAS, transfert de données personnelles entre CPAS via le Rapport social électronique, instauration d’un service communautaire pour les allocataires sociaux, commémoration en grandes pompes des quarante ans de la loi instituant les CPAS, plan hiver du Samu social, opération Viva for life, levée du secret professionnel pour les assistants sociaux dans le cadre de la lutte contre le terrorisme…

Cette actualité confirme une triple tendance dont nous nous sommes déjà inquiétés. Primo, l’ensemble des services sociaux à Bruxelles – dont ceux de Bruxelles laïque – sont complètement débordés par l’explosion de la pauvreté, l’aggravation et la diversification des formes de précarité. Secundo, ils travaillent de plus en plus sous la contrainte de législations, réglementations et appels à projets qui définissent strictement comment et avec qui ils doivent travailler dans l’objectif principal de faire du chiffre. Tercio, ces contraintes et objectifs dévoient souvent le travail social de ses finalités émancipatrices et de sa déontologie vers des fonctions de contrôle, de normalisation et de sanction. Les principes qui fondent la déontologie du travail social ne sont pas sans rappeler les valeurs laïques que nous prônons depuis notre création et dans chacune de nos actions : considérer la personne comme  un sujet autonome  et responsable  et non comme  un objet  d’intervention ou de contrôle, travailler avec elle et non pour elle ou à sa place, respecter ses choix et l’outiller pour les mener à bien, agir en vue de son émancipation, respecter et favoriser en chaque situation la dignité humaine et les droits fondamentaux, promouvoir la justice sociale…

Ces valeurs centrales pour la construction d’une société dans laquelle chacun a sa place se trouvent aujourd’hui particulièrement remises en question dans le secteur des travailleurs sociaux. L’action sociale avait pour mission de s’occuper de celles et ceux qui sont déjà à la marge de cette société que nous voulons égalitaire, de celles et ceux qui ne disposent pas ou plus des droits et des moyens qui garantissent à l’humain la dignité et la capacité à s’épanouir. Si l’on renie ces valeurs au sein même des dispositifs destinés à corriger les ratés du déploiement de ces valeurs dans l’ensemble du corps social, quelle place occupent-elles encore au cœur de la société ? Ou, comme l’ont dit nombre de grands auteurs chacun dans leur domaine, c’est à la manière dont elle traite ses marges qu’on juge des valeurs ou du degré de civilisation d’une société…

C’est à la lueur de nos valeurs fondamentales ainsi que dans une perspective historique que nous vous proposons de réfléchir à l’actualité du travail social. Ce dossier se veut une des nombreuses contributions au débat en cours et vient renforcer les publications de nos compères de la Ligue des droits de l’Homme, du Conseil bruxellois de coordination sociopolitique, du Forum Bruxelles contre les inégalités, du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, d’Intermag… que nous vous invitons également à consulter pour aller plus loin.

Si, comme nous, vous êtes choqués par ces mesures qui frappent immanquablement les plus faibles, nous espérons que la découverte de   ces pages vous encouragera à persévérer dans la réflexion, dans l’action et dans le renforcement des liens entre humanistes.

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