Les vocables radicalisme et radicalisation, ainsi que le néologisme “déradicalisation”, renvoient aujourd’hui presque univoquement aux discours extrémistes et aux pratiques violentes d’une frange de l’islam. Ils ont une forte connotation péjorative et désignent en quelque sorte le “mal radical” de l’époque. Ce n’est pourtant pas leur seule signification.

Fidèles à notre démarche critique et soucieux de souligner la complexité des phénomènes, nous vous proposons, avec ce dossier de Bruxelles Laïque Échos, de réfléchir aux multiples sens et usages de ces termes.

Le fait de se radicaliser et de vouloir être radical ne concernent pas que les combattants du djihad. On trouve des formes de radicalisation ou des postures radicales chez les militants d’extrême gauche et d’extrême droite, dans des mouvements de défense de la nature ou des animaux, dans certaines pratiques spirituelles et dans les groupes catholiques d’opposition à l’avortement, au sein du féminisme contemporain ou chez les adeptes de certaines pratiques sexuelles…

Notons aussi que, historiquement, des idées considérées jadis comme radicales sont devenues, aujourd’hui, monnaie courante ou la moindre des choses à nos yeux. Au XIXe siècle, le radicalisme en politique était associé, en Angleterre, aux partisans d’une réforme économique radicale inspirée de la doctrine libérale de Bentham et Mill et, en France, à l’anticléricalisme puis aux réformistes attachés à la démocratie, la laïcité et l’enseignement public.

Ces mots demeurent souvent péjoratifs, utilisés par les adversaires d’un courant de pensée pour le disqualifier ou dénoncer ses dérives excessives. Mais ils peuvent aussi être revendiqués fièrement par les tenants de l’intransigeance et du refus des concessions. On observe même dans certaines mouvances une course à qui sera le plus radical.

Si l’on élargit quelque peu le champ sémantique, on découvre ou se rappelle que l’adjectif et le substantif “radical” sont aussi utilisés en philosophie, en mathématiques, en linguistique, en botanique et en chimie. Leur signification n’a là rien de dépréciatif. Elle caractérise soit ce qui concerne le principe premier, fondamental, les éléments constitutifs d’un phénomène, soit ce qui va jusqu’au bout de chacune des conséquences impliquées par un choix.

Enfin, d’aucun estiment que le terme “radicalisme” n’est pas adéquat pour désigner l’extrémisme islamiste. Selon Gilles Kepel, fondre le djihadisme dans le radicalisme dont il ne serait qu’une déclinaison parmi d’autres amène à nier ses spécificités et donc à ne pas y apporter les réponses opportunes. Dans une toute autre optique, Fabienne Brion estime également le terme trop large ou trop vague et préfère parler  d’extrémisme violent.

À travers ces réflexions et déclinaisons autour du radicalisme, Bruxelles Laïque continue à interroger et confronter les événements qui dominent l’actualité sociopolitique des mois passés et à venir : d’une part, les attentats et les réponses à y apporter, d’autre part, le durcissement des politiques d’austérité et des mouvements sociaux qui y répondent.

Nous aurons encore l’occasion d’y revenir dans notre prochain numéro qui décryptera les états d’urgences. D’ici là, je vous souhaite un bel été et d’enrichissantes lectures.

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