“Ne pas honorer la vieillesse, c’est démolir la maison où l’on doit coucher le soir.” (Alphonse Karr)

Sans vouloir assombrir ce début d’année 2016, c’est l’occasion de se rappeler que pour chacun, jeune ou plus âgé, le temps passe inexorablement.

Les grandes lignes de l’évolution démographique de nos sociétés sont bien connues. Primo, les enfants du baby-boom qui a suivi la seconde Guerre mondiale ont aujourd’hui atteint l’âge de la retraite. Secundo, les Occidentaux vivent de plus en plus longtemps, et selon les chantres du transhumanisme, ce n’est qu’un début. Tertio, les Occidentaux font nettement moins d’enfants qu’auparavant.

Dès lors que ce phénomène de société n’est ni surprenant ni soudain, on aurait pu l’anticiper et y apporter les réponses adéquates. Mais cela ne semble pas être le cas. Nous pourrions nous demander si face à ces nouvelles données, une bonne partie de notre modèle social, de nos institutions, de nos infrastructures, de nos pratiques et de nos habitudes n’ont pas terriblement vieilli ? Ne serait-il donc pas temps de les réformer ou d’en enfanter de nouvelles ? Telle n’est pas l’approche que nous avons choisie pour ce dossier. En pensant à l’isolement dont souffre nombre de personnes pendant les fêtes familiales, nous avons privilégié les témoignages et le propos de proximité, plutôt que les grandes analyses sociopolitiques.

Vous  lirez dans les pages qui suivent des auteurs qui interrogent, critiquent ou proposent des modalités concrètes d’accompagnement  ou de prise en charge des aînés. Quand elles sont institutionnelles, ces modalités sont souvent déshumanisantes, infantilisantes voire maltraitantes. Elles manquent cruellement de moyens publics et font dès lors l’objet d’un business privé de plus en plus lucratif où la rentabilité prime sur la qualité des services. Mais d’autres solutions sont possibles ! Quand elles relèvent de l’entourage direct, ces modalités doivent s’adapter aux transformations du modèle familial et à la perte de son rôle central dans notre organisation sociale. Ces modalités devraient, à vrai dire, être sociales au sens large, c’est-à-dire prises en charge par l’ensemble du tissu social, qui est lui aussi à recomposer en ces temps de crises, de paniques, de repli et d’individualisme à outrance. Dans cette perspective, on redonnerait de la valeur à ce que les aînés ont à nous transmettre et l’on pourrait faire fructifier le temps libre dont ils jouissent et qui est trop souvent vécu comme un temps mort. On éprouverait aussi à quel point les relations intergénérationnelles sont fructueuses, permettent le décentrement et font bouger, de part et d’autre de la relation.

Le sort des aînés préoccupait déjà au temps de l’Egypte antique : “Rends au double le pain que t’a donné ta mère et porte-la comme elle t’a porté”, écrivait le scribe Anii vers -1300.

Penser la place des personnes âgées dans le monde d’aujourd’hui, c’est encore une occasion de rappeler quelques principes fondateurs du mouvement laïque et leur nécessaire intrication : respecter la dignité et les droits de chacun, favoriser l’autonomie de la personne, renforcer les liens sociaux et la solidarité et, avant tout, être capable de remise en question.

Je vous y invite ici comme ailleurs, aujourd’hui comme demain.

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