“Que de choses il faut ignorer pour agir” disait Paul Valéry. En politique, cette maxime prend une tournure particulière. Lorsque vient le temps de trancher entre des scénarios différents, l’interdépendance entre la multiplicité de facteurs et de paramètres à prendre en compte donne à chaque action un caractère cornélien. C’est d’autant plus vrai lorsque les oubliés sont systématiquement les mêmes et que les angles morts du pouvoir exécutif deviennent de véritables pièges à précarité où les libertés s’amenuisent de jour en jour.

La laïcité organisée défend des principes philosophiques humanistes et se préoccupe du respect des droits humains et de l’épanouissement des libertés, mais n’est attachée à aucun parti politique. C’est pourquoi l’analyse critique des politiques que nous proposons ici ne se veut pas partisane. Nous tentons plutôt d’établir un état des lieux des institutions démocratiques et des droits et libertés en Belgique, au terme d’une législature dont l’impact à long terme demeure inconnu, car il dépendra beaucoup de la majorité qui lui succédera. Néanmoins, la polarisation croissante dans le débat public et la “fast-politic” nourrie par les médias sociaux empoisonnent le climat social.

En tant que laïques, nous privilégions la méthode du libre examen, qui exige du temps et des efforts. Nous croyons donc qu’il est impératif de prendre du recul pour analyser les choses en profondeur, sans a priori. Si la qualité des décisions politiques dépend de la qualité du débat démocratique, il faut prendre le temps de faire des recherches, de réfléchir et de s’informer auprès de différentes sources pour arriver à pouvoir débattre sereinement, mais surtout rigoureusement.

Ce numéro de Bruxelles Laïque Échos propose de décortiquer les politiques de la législature fédérale sortante, en mettant l’accent sur certains thèmes qui nous tiennent particulièrement à cœur : la séparation des pouvoirs, le fonctionnement de la justice, les politiques carcérales et pénales, la concertation sociale, ainsi que l’état des droits et libertés des femmes et des personnes vulnérables comme les migrants ou les sans-abri. Il s’agit d’interroger ces champs de politiques publiques afin de séparer le bon grain de l’ivraie, en réaffirmant nos valeurs et en allant au-delà des slogans partisans qui, soit font l’éloge de ce Gouvernement, soit l’associent aux pires horreurs de l’histoire. Dans quelle mesure les politiques menées sont-elles en continuité avec celles des Gouvernements précédents ? A-t-on observé l’accélération de certaines pratiques ou, au contraire, l’inversion d’autres tendances ? De quelles marges de manœuvre disposent les hommes et femmes politiques belges ?

En démocratie, les élus doivent rendre des comptes à la société civile et cette dernière se doit donc d’être constamment vigilante, puisque la liberté n’est pas un long fleuve tranquille. C’est dans cette perspective que Bruxelles Laïque, qui fête ses 40 ans cette année, est depuis longtemps animée par une mission d’éducation permanente. Cette édition s’inscrit dans notre tradition d’engager des débats de société, de manière accessible et positive, en veillant à n’oublier aucune composante et aucun acteur.

Dans la même catégorie

Share This