En ces temps difficiles, où les perspectives joyeuses manquent cruellement, nous vous invitons à imaginer un monde meilleur. Il ne s’agit pas de se mettre la tête dans le sable ou d’ignorer les nombreuses tensions actuelles bien réelles mais, en vrais humanistes, de garder la tête froide et de refuser de succomber au cynisme ou, pire, au fatalisme ou à un nihilisme stérile.
Nous connaissons tous des romans qui nous ont entraînés dans des mondes anticipatifs et idéalisés défiant la rationalité du moment. Pourtant, quelques décennies plus tard, certaines de leurs utopies se sont réalisées. Ce numéro du Bruxelles Laïque Échos n’aborde pas la question des utopies de manière naïve, bien au contraire. La rigueur libre-exaministe qui caractérise notre travail d’éducation permanente demeure de mise. Notre objectif est plutôt d’analyser le concept d’utopie, ses diverses déclinaisons, mais aussi les pièges qu’il peut renfermer, c’est-à-dire nous éloigner du réalisme nécessaire à une réflexion sérieuse sur l’état des politiques, du militantisme citoyen et de nos droits et libertés.
Le premier article est signé par la présidente du Centre d’Action Laïque (CAL). Véronique de Keyser y aborde la question fondamentale du principe de laïcité. Il est évidemment incontournable pour nous de montrer en quoi ce principe ne représente pas une utopie risible, ni encore moins une utopie ne concernant que celles et ceux qui souhaitent voir ce principe inscrit dans la Constitution de notre pays.
Les autres articles abordent la notion d’utopie sous différents angles. L’un d’eux s’intéresse à la notion de conscience utopique et apporte quelques clarifications de terminologie telles qu’« utopie » et « utopique ». Un autre article, venu du Québec, propose à l’inverse une vision très incarnée de l’utopie, en insistant sur l’importance du désir et des émotions partagées, afin que les utopies puissent créer du lien et motiver des communautés à faire évoluer les choses. Ensuite, la question de l’utopie est abordée sous différents prismes, comme celui du care (de la sollicitude), mais aussi de la culture et de son rôle dans l’éducation et l’accès à celle-ci. Une interview sur l’expérience de la Commune de Paris synthétise certaines leçons à tirer des diverses tentatives, au cours de l’histoire, de mobiliser la notion d’utopie pour changer les choses et, notamment, la répartition du pouvoir politique. La rubrique jeunesse revient sur le Festival Chatbox, produit par Bruxelles Laïque, afin de mettre en lumière les aspirations des jeunes, à qui l’on donne rarement la parole, mais qui ne manquent pas pour autant de rêves et d’ambitions quant à leur avenir. Un autre article aborde la question du militantisme, du rôle de l’utopie dans la mobilisation, mais aussi de ses dangers, notamment quant au risque de l’absence de remise en question chez celles et ceux qui succombent aux sirènes du dogmatisme. Finalement, un article sur l’Union Européenne tente de faire la part entre utopies, réalités et dangers. Il analyse une Europe aujourd’hui profondément divisée, notamment sur des questions idéologiques, dont certaines s’éloignent largement des fondements humanistes que nous défendons.
En somme, ce numéro offre plusieurs déclinaisons de la notion d’utopie qui nous renvoient toutes aux questions liées au vivre-ensemble, à l’émancipation des individus et à la mise en œuvre d’initiatives et de politiques à divers niveaux, du plus local jusqu’aux instances européennes. Nous espérons qu’il alimentera vos réflexions, puisqu’il est toujours nécessaire de lutter pour nos droits et libertés, en adaptant nos idéaux aux réalités du notre monde.