INTERVIEW : FREELANCERS DE TOUS SECTEURS, UNISSEZ-VOUS ?

par | BLE, Economie, Empire de la notation

Ce que l’on nomme souvent « ubérisation de la société » touche de très nombreux secteurs au-delà de la figure emblématique du livreur ou de la livreuse : des services en tout genre, le nettoyage, la construction, le soin aux personnes, les métiers de bouche ou encore la petite enfance. Comment vivent ces travailleurs et travailleuses non-salariés ? Comment s’organisent les solidarités en l’absence de contact entre collègues ? Quelles conséquences ont les évaluations systématiquement proposées par les plateformes et réalisées par les bénéficiaires de ces services ? Rencontre avec Martin Willems, syndicaliste depuis plus de vingt ans. Permanent pour United Freelancers[1], il observe précisément les transformations des formes de travail dans tous les métiers où de plus en plus de personnes travaillent en dehors des liens d’un contrat de travail.

Julien Truddaïu (JT) : Ce que nous appelons « ubérisation de la société », ce recours aux travailleurs indépendants et sans contrat de salariat, ne serait que la pointe de l’iceberg d’un vaste mouvement général, touchant à tous les secteurs de la société ?

Martin Willems (MW) : Quand nous utilisons le terme « ubérisation », nous faisons référence à Uber, qui est une plateforme arrivée en 2013 en Belgique. C’est donc un phénomène relativement récent. Mais le fait que de plus en plus de travailleurs n’ont plus le statut de salarié avec un certain volume de travail et les protections du droit du travail qui l’accompagne, existait bien avant Uber. Son arrivée n’a fait que remettre en lumière les plateformes et des mécanismes qui les précédaient. Aujourd’hui, il existe plus d’une centaine de plateformes en Belgique, avec un nombre important de travailleuses et de travailleurs. Cette réalité est moins visible que les livreurs. Nous avons des plateformes très importantes en volume de travail, avec des interfaces qui permettent de trouver n’importe quel service. Au départ, cela concernait des petits bricolages, mais elles se sont étendues à tous les genres de prestations, avec des personnes qui proposent des services sur la plateforme et des personnes qui ont besoin d’un plombier, de quelqu’un qui peut s’occuper d’animaux ou qui peut monter une armoire Ikéa. C’est vraiment très divers. D’après les propres chiffres de l’une de ces plateformes, 50.000 personnes en Belgique ont travaillé au moins une fois par an. Outre ces sites généralistes, il y a aussi énormément de plateformes davantage tournées vers l’enseignement. Des entreprises d’intérim connues ont aussi vu là une manière de fonctionner autrement en s’épargnant toute la législation qui s’impose au travail intérimaire. On répond à un même besoin que l’intérim, trouver des ressources occasionnelles pour quelqu’un qui en a besoin, mais en s’affranchissant de toute la législation qui encadre justement un travail intérimaire.

JT : Quels bouleversements les plateformes et leur fonctionnement ont apporté dans les relations de travail et dans le monde du travail en général ? En quoi est-ce un nouveau paradigme ?

MW : Nous assistons à une véritable fuite en avant. Beaucoup de travailleurs salariés se voient proposer par leurs patrons de basculer vers le statut d’indépendant sans pour autant comprendre ce que cela implique. L’un des aspects les plus importants est, en règle générale, qu’un freelancer n’a pas de volume de travail défini, donc il n’est pas du tout sûr d’avoir un temps plein, pas même un temps partiel. Quand on signe un contrat à temps partiel, on sait par exemple que l’on va travailler chaque semaine, trois jours par semaine et qu’on aura en contrepartie un certain salaire à la fin du mois. De son côté, un freelancer n’a aucun volume de travail défini et il ne sait jamais, au moment de commencer la semaine, combien il va gagner. Et nous ne parlons pas ici forcément de travail peu qualifié. Par exemple, les journalistes aujourd’hui, et même lorsqu’ils travaillent pour de grandes institutions comme la RTBF, sont, le plus souvent, sous statut indépendant pendant de longues années. Il s’agit aussi de techniciens qui sont appelés en fonction des besoins. Ils ont un contrat cadre et à chaque début de semaine, l’employeur leur annonce le nombre de jours pour lesquels il a besoin d’eux. Ils n’ont jamais de garantie et leur travail reste à la discrétion de l’employeur. C’est extrêmement insécurisant et cela rend donc la situation de la personne très précaire. Le freelancer ne peut donc prendre aucun engagement financier. Comment voulez-vous vous engager auprès d’une banque pour un achat important si vous ne savez jamais au début du mois combien vous allez gagner ?

D’autres conséquences de ce système sont liées aux questions de santé et de sécurité. Un employeur a des responsabilités vis à vis des gens qu’il emploie : les faire travailler dans des conditions de sécurité valable. Il doit donc analyser les postes, évaluer les risques et essayer de prendre toutes les mesures pour éviter les accidents. Vis-à-vis des freelancers, il a très peu, voire aucune obligation. Le freelancer n’est pas couvert en cas d’accident du travail. Le jour où un accident survient, les conséquences sont dramatiques, parce que le freelancer n’est plus capable de travailler et il n’a plus de clients. Alors qu’un travailleur salarié qui aura un accident de travail touchera 90 % de son salaire sur toute sa période d’incapacité, ses frais médicaux lui seront remboursés et s’il a des séquelles permanentes, il aura une indemnisation jusqu’à la fin de sa vie. Pour le freelancer, rien de tout cela ! Il tombera tout simplement sur sa mutuelle avec une indemnité minimale. Alors qu’un travailleur salarié est payé pour de nombreux jours où il ne travaille pas (par exemple les congés payés, les jours fériés, les jours de maladie) le freelancer lui, ne touchera rien.  S’il tombe malade et qu’il est absent pendant une certaine période, il perdra rapidement son travail. C’est aussi le cas de toutes les femmes en cas de maternité, alors que la travailleuse salariée à l’issue de son congé de maternité retrouve normalement son travail. C’est une obligation de l’employeur. La travailleuse freelance qui prendra un repos de maternité de trois mois, le plus souvent, aura perdu son travail dans l’intervalle.

JT : Ces bouleversements ont engendré une concurrence entre travailleurs et travailleuses. Comment tisser des liens de solidarités entre elles et eux dans ce contexte ?

MW : Très certainement, les liens sociaux sont entamés. À quelques très rares exceptions, la grande majorité des plateformes reportent complètement le risque économique sur les prestataires. Les travailleurs sont payés à la tâche et donc s’il n’y a pas de commande,

ils attendent et ne sont pas payés. On observe de plus en plus d’entreprises dans lesquelles une partie de la force de travail est composée de salariés et une autre sous statut freelancer. La proportion de freelancers augmente significativement. C’est le cas par exemple des sites de commerce en ligne où vous pouvez commander vos courses quotidiennes. Toute la partie du service de livraison de ces commandes en ligne est de plus en plus assurée par des freelancers.  Là où dans une entreprise il y avait, il y a encore cinq ans de cela, 95 salariés et 5 freelancers, nous sommes à présent à 30 salariés contre 70 freelancers. Dans ces entreprises-là, il est évident que ce dernier, pour lequel l’employeur ne doit pas respecter le droit du travail et pour lequel il faut payer beaucoup moins de cotisations sociales, coûte moins cher et reste beaucoup plus flexible que les travailleurs salariés.

L’employeur est donc incité à utiliser de plus en plus de freelancers. Par-là, le syndicalisme des travailleurs salariés est affaibli. C’est catastrophique car que peut-on encore exiger pour les salariés quand on laisse la possibilité à un employeur de pouvoir, à tout moment, dire que vous êtes trop exigeant et qu’il peut vous remplacer par des travailleurs freelances ? Si les travailleurs n’ont plus aucune capacité de négociation en raison de cette mise en concurrence, leurs conditions de travail vont évidemment s’effilocher et cela aura pour effet de désunir les travailleurs. En tant que syndicat, notre vision politique est de pouvoir améliorer les conditions de travail de tout le monde et amener tout le monde vers une égalité, et de s’aligner sur les meilleures conditions de travail qui existent. C’est le but central de United Freelancer : éviter ces divisions entre travailleuses et travailleurs, les rassembler et aller vers une égalité de traitement et des meilleures conditions de travail pour toutes et tous.

JT : Les travailleurs freelancers sont très souvent esseulés par leurs statuts et se rencontrent donc rarement. Cette réalité est notamment renforcée par l’absence de lieux communs de travail, ils et elles travaillent de chez eux, sur leur vélo ou au domicile des clients et clientes. C’est aussi l’une des conséquences de l’individualisation des tâches demandées ?

MW : En effet, l’exemple de la livraison de repas est significatif : un livreur de repas ne doit quasiment jamais travailler avec ses collègues. Son seul contact est celui qu’il a avec la plateforme – et son algorithme – via son GSM. Il ne doit pas collaborer avec des collègues. Pourtant les relations sociales au travail sont l’un des premiers ciments de la solidarité et d’une coalition sur laquelle se base le syndicalisme. Les freelancers n’ayant pas besoin les uns des autres, se parlant peu et étant isolés sont d’autant plus dans une situation de rapport de force très défavorable vis à vis de celui qui les emploie.  Cela ne touche pas que les travailleurs freelances ; les salariés aussi sont de plus en plus isolés. Ce problème s’amplifie très clairement avec les nouvelles formes de travail. On constate cela par exemple dans le secteur du commerce. Beaucoup de grands magasins offrent des services de livraison en ligne comme, par exemple, Amazon. Que trouve-ton ? Un site sur lequel vous faites vos commandes avec, en coulisse, un entrepôt et des personnes qui y travaillent et dont le rôle est de constituer les commandes. Ils travaillent vraiment dans l’isolement. Ils ne sont pas guidés par leurs collègues mais par une sorte d’intelligence artificielle qui leur dira où circuler dans les rayons, de prendre tel objet et former un caddie pour réaliser les commandes. Sans parler du livreur qui travaille évidemment tout seul lui aussi. Pour un même secteur d’activité, l’évolution va clairement vers plus d’isolement des travailleurs.

JT : Il y a une relation dont on parle peu, c’est celle avec le bénéficiaire du service, c’est à dire le client ou la cliente qui reçoit le repas, la commande  Amazon, qui fait appel à des services. Cette relation semble avoir été bouleversée.

MW : Dans les combats que nous avons menés avec les freelancers, nous avons décidé de ne pas culpabiliser les clients, ni d’appeler les clients au boycott. Nous ne sommes pas contre le système de livraison, mais le livreur doit être payé convenablement. C’est aussi important pour le client d’être sûr que la personne qui le livre est correctement payée. Par ailleurs, il y a sans doute beaucoup à dire des relations avec le client dans l’évolution vers le commerce électronique. Les intermédiaires et les opérateurs ont certainement mal éduqué la clientèle. Pour attirer les gens vers le commerce électronique, ce qui n’était pas un réflexe naturel (beaucoup de personnes préféraient aller dans les magasins ou dans les restaurants), les opérateurs ont régulièrement proposé la livraison gratuite. Certains clients en viennent à considérer qu’il est normal que la livraison soit gratuite. Or, il y a bien quelqu’un qui fait la livraison, c’est un travail qui peut être particulièrement difficile et qui doit être rémunéré. Si aujourd’hui on demandait aux clients la livraison à son juste prix, ils ne seraient sans doute pas d’accord.  Autre exemple important dans l’évolution de cette relation, c’est celui de l’évaluation des prestataires. De nombreux livreurs se plaignent que certains clients sont dénigrants, voire irrespectueux. Il y a des cas de clients injurieux, au comportement raciste ou sexiste. Rien dans le système proposé par les plateformes n’existe pour remédier à cela, bien au contraire. Demander d’évaluer le travailleur revient à le considérer comme un subordonné. Il y a aussi derrière tout cela la mythologie du client qui serait roi. Ce qui est complètement absurde car, dans la majorité des cas, le client est lui aussi un travailleur par ailleurs. Mais lorsque ce dernier est servi, il aurait tous les droits. On crée ici une schizophrénie ambiante alors que tout travail mérite respect.

JT : Ces évaluations sont aussi une nouveauté dans les relations de travail. Au restaurant par exemple, si le client n’est pas content du service ou de ce qui est servi, il peut en parler de visu au serveur. L’évaluation en ligne, souvent anonyme, transforme cette relation. Quelles sont les expériences des freelancers sur le terrain ?

MW : En effet, nous avons beaucoup de retours, notamment des chauffeurs Uber car l’évaluation est très importante. Pour continuer à faire des courses, on doit avoir un certain nombre minimum de points. Pour un chauffeur Uber, c’est 90 %[2]. En deçà de cette cote, on reçoit un avertissement, puis très vite une première suspension et finalement une désactivation définitive. Il est donc crucial de maintenir une bonne note et les chauffeurs nous expliquent que l’évaluation opérée par les clients est tout à fait arbitraire. Ils la découvrent après la course. C’est assez vicieux ! Car si l’on n’est pas content, on l’exprime à la personne concernée et cela nécessite, en temps normal, un certain effort. L’évaluation a posteriori n’a aucune limite : on peut dire n’importe quoi et personne ne vous en tiendra rigueur. Le client peut donc mettre une étoile sur cinq sur un coup de tête sans discussion avec le chauffeur. Il ne doit pas assumer cette cote très négative qui va vraiment pénaliser le chauffeur. C’est un système totalement arbitraire. Et cette cote peut tenir à des détails : un mot mal compris, la musique diffusée qui ne plaisait pas. Finalement, la vie du chauffeur ne tient qu’à un fil car nous parlons ici de son revenu substantiel qu’il perdra s’il est désactivé, du jour au lendemain. Tout cela est très insécurisant pour les chauffeurs, ce qui pourrait même engendrer des maladies psychologiques à long terme.

JT : Il n’y a donc aucun de moyens de recours sur les évaluations ? Est-ce qu’’il n’y a pas là un déni du droit de pouvoir se défendre pour les freelancers ?

MW :  Cet aspect est tout à fait fondamental. Lorsqu’elle est opérée par un humain, l’évaluation est relativement négociée dans un grand nombre de cas. On peut, par exemple expliquer les causes internes ou externes d’un événement et le contact humain est fondamental pour pouvoir se défendre ou s’expliquer. Les évaluations en ligne sont considérées par les freelancers comme particulièrement arbitraires. D’autres pourront rétorquer que la machine n’a pas de sentiment, qu’elle se base uniquement sur des faits et qu’elle est objective. Mais nous savons que la machine ne sait pas tenir compte des circonstances ou des facteurs dont elle n’a pas connaissance. De nombreux livreurs viennent nous voir parce qu’ils ont fait l’objet d’une déconnexion automatique. La machine en a décidé ainsi pour différentes raisons, qui sont le plus souvent obscures. Les personnes sont donc déconnectées et sans savoir pourquoi. Dans ce cas, nous exigeons de la plateforme un deuxième examen, par des humains et avec des explications, car la machine se base sur des statistiques et ne donne aucune justification. Une directive européenne encore en discussion s’intéresse à la transparence et les débats font état d’une obligation de doubler tout traitement automatisé par un traitement humain. Car nous ne pouvons pas laisser à des machines le privilège de décider ce qui s’apparente à un licenciement. La transparence des données des plateformes est un sujet crucial. Quels sont les critères des algorithmes ? Pourquoi, par exemple, la machine choisit-elle un livreur plutôt qu’un autre ? C’est dans le code de programmation qu’on peut voir les critères choisis. Ce à quoi nous n’avons pas accès. Si nous pouvions y accéder, il faudrait être encore assez expert et prendre le temps nécessaire pour examiner toutes les données. Tout cela est donc très vicieux : les critères sont inconnus mais les conséquences sont importantes. Dans l’exemple du choix du livreur, c’est une clé pour l’allocation de travail. Ce n’est que si le livreur est missionné qu’il a son revenu, ce qui est fondamental. Ce critère étant inconnu, les travailleurs imaginent beaucoup de choses. On ne peut pas exclure non plus que ce traitement soit discriminatoire. Qu’est ce qui empêcherait de penser, par exemple, connaissant la puissance actuelle des algorithmes en termes d’auto-apprentissage, que dans un futur proche, à partir des consonnances des noms, les plateformes pourraient décréter qu’un consommateur Blanc ne souhaitera pas être livré par un livreur Noir ? L’analyse des algorithmes est un enjeu vraiment fondamental. Si nous étions autorisés à les analyser, cela demanderait des moyens colossaux. Ce seraient des coûts indirects imposés par les plateformes à la société. Tout cela est très préoccupant parce que le temps de ces opérateurs est beaucoup plus rapide que le temps de la démocratie. Le processus démocratique, décider des règles communes, a besoin d’un temps qui n’est pas celui des plateformes. Nos gouvernements auraient dû prendre le temps d’analyser les conséquences de ces pratiques avant de les autoriser.

JT : Des lois ont été votées récemment pour tenter d’encadrer ces pratiques. Quel regard portez-vous sur ces tentatives d’encadrement législatif ou réglementaire et qu’en est-il aujourd’hui ?

MW : Nous le voyons évidemment d’un bon œil parce que je pense que ces nouvelles formes de travail doivent être encadrées, tout particulièrement le travail de plateforme. Il y a eu notamment une proposition au niveau européen. Mais le processus est très lent. La proposition de la Commission Européenne a été reprise par le Ministre du Travail belge qui a souhaité l’appliquer avant même que le processus européen soit terminé. Nous avons accueilli favorablement cette dynamique et nous avons participé activement aux discussions. Mais le projet gouvernemental a évolué et les risques que la législation soit contournée sont grands. Une première législation est entrée en vigueur en Belgique depuis le 1ᵉʳ janvier 2023. À notre très grand désarroi, cela n’a, jusqu’ici, strictement rien changé. La loi encadrant le travail de plateforme se compose de deux volets. Le premier volet[3] ouvre la possibilité d’une présomption de salariat pour les travailleurs de certaines plateformes, ce qui limite dès le départ son champ d’application. Huit critères ont été imaginés. Lorsque trois de ceux-ci sont remplis, ils permettent de prouver qu’il y a une forme de subordination entre le travailleur et la plateforme et donc une présomption de salariat. Pour nous, il y a quelques plateformes qui remplissent l’ensemble des critères, cela ne se discute même pas. Pourtant, depuis l’entrée en vigueur de cette réglementation, aucun travailleur de plateforme n’est devenu salarié. Nous avons interpellé le cabinet du Ministre pour qu’il puisse agir et rendre cette loi efficace. Nous nous battons maintenant pour en forcer l’application, ce qui est invraisemblable. Nous observons depuis quelques années une arrogance permanente de certaines plateformes. Elles ont, depuis leur arrivée, une prétention non dissimulée de casser le modèle existant, de remplacer ce qui existe par leurs services, de prendre toute la place dans certains secteurs et de ne pas respecter les lois et les règles avec un modèle disruptif. Je ne suis pas contre la construction de nouveaux modèles. Mais lorsqu’il s’agit de ne pas respecter les lois et les minima en vigueur en devenant suffisamment important que pour devenir incontournable, ceci est plus qu’inquiétant. Visiblement les autorités sont un peu frileuses. Quand ces plateformes sont apparues en Belgique, la première réaction des autorités a été de ne pas toucher à ce nouveau modèle qui allait apporter de l’emploi. Démocratiquement, dans le domaine du travail, nous avons interdit de pouvoir faire travailler des gens en dessous de certains minima, mais ces opérateurs ne souhaitent pas respecter ces règles. On a même appelé cela « une évolution positive ». Si demain quelqu’un vient en disant qu’il a trouvé un superbe business model, qui s’appelle l’esclavage et qu’il garantit que le service va être très intéressant, va-t-on le laisser s’installer alors que nos lois et valeurs fondamentales interdisent l’esclavage ?

Tout ceci est très mauvais pour tout le monde, y compris pour le client, car celui-ci est aussi un travailleur. Il y a un énorme risque pour la cohésion sociale à tirer vers le bas les conditions de travail des autres.


[1] United Freelancers est depuis 2019 une branche syndicale de la CSC pour les freelancers, travailleurs de plateformes ou indépendants sans personnel.

[2] La société Uber permet également aux chauffeurs de noter leurs clients et clientes mais il apparait que ces évaluations n’ont que très peu d’incidence sur les comptes des consommateurs et consommatrices des courses.

[3] Le deuxième volet n’est pas encore entré en vigueur et couvre les accidents de travail pour les travailleuses et travailleurs des plateformes. Actuellement, ne sont concernées que les personnes travaillant sous le statut d’indépendant. Le régime de l’économie collaborative, dont font usage intensivement les plateformes, échapperait donc à cette couverture.

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