MATHUSALEM : LE JOURNAL QUI N’A PAS PEUR DES VIEUX [1]

par | BLE, DEC 2015

“Noma” est le nom du restaurant de René Redzepi, situé à Copenhague. Ce restaurant a été désigné meilleur restaurant du monde par la revue anglaise Restaurant Magazine en 2010, 2011 et 2012. Il a perdu ce titre en 2013 au profit du restaurant espagnol El Celler de Can Roca de Gérone, mais “Noma” l’a récupéré en 2014 ! Les frères Roca ont repris la distinction en 2015 ! Un “mano à mano” intéressant à suivre surtout si l’on a la possibilité de s’y rendre.

J’avais projeté d’aller chez “Noma”. Ce ne sera plus possible : Alzheimer a frappé. Plus jamais la joie de partager la table d’un restaurant, ce que nous – ma femme et moi-même – aimions tellement faire. Dire que c’est une immense peine, c’est dérisoire. C’est avec une grande émotion que je transcris dans ce nouveau MATHUSALEM, un article que j’avais écrit dans Balthazar, n° 33, du 5 mars 2011, peu après la Saint-Valentin, de surcroît…

JOUR DES AMOUREUX : BALTHAZAR INVITE LIBERTÉ DE LA PRESSE À DÎNER

Un petit conte naïf dans un langage presque enfantin.

On était déjà au mois de février et cela a eu lieu avant le jour de la Saint-Valentin. Lors d’une nuit pendant laquelle Balthazar avait du mal à s’endormir, il avait beaucoup pensé à Liberté de la Presse car il y avait déjà beaucoup de temps qu’il l’aimait bien mais ne lui avait jamais dit, va-t-on savoir pourquoi… Cette fois-ci, comme on parlait déjà beaucoup de la Saint-Valentin, il a pensé que ce serait une bonne opportunité pour l’inviter. Il suffirait seulement de lui téléphoner. C’est ce qu’il a fait, le 11, lui proposant de dîner avec elle le 14.

Liberté de la presse a accepté la proposition de Balthazar “avec plaisir” ajoutant que “personne jusqu’à présent ne l’avait invitée pour la Saint-Valentin”. Balthazar l’a rappelée le jour suivant : “Coucou, chère Liberté de la Presse” et a entendu en retour sa voix douce “Coucou, cher Balthazar”.

Il lui a alors dit qu’il avait prévu que le dîner ait lieu à l’étranger et que si elle était d’accord, ils pourraient prendre l’avion le 14 au matin. “En dehors de la Belgique ?! s’est-elle exclamée – mais où ?”. “Tiens, si tu es d’accord, ce sera dans un pays bien placé dans le classement des Reporters sans Frontières…” “Oh, quelle belle surprise…” “C’est au Danemark” a ajouté Balthazar. Comme elle était d’accord, Balthazar a téléphoné immédiatement au restaurant “Noma”. Il a demandé à parler directement au Chef, René Redzepi, et lui a dit qu’il voulait réserver une table pour deux personnes pour le dîner de la Saint-Valentin. René a commencé par lui dire qu’il n’y avait plus de place, mais Balthazar a insisté en lui disant qu’il venait avec son amie Liberté de la Presse, sur quoi René a réagi, répondant qu’ils réservent toujours une ou deux tables pour satisfaire la demande de personnes reconnues internationalement, et lui a demandé d’attendre un instant, le temps qu’il jette un coup d’œil aux réservations déjà faites. Après quelques minutes, Balthazar a eu l’immense plaisir d’entendre la réponse : “Oui, c’est possible !”.

Le 14 au matin, ils ont donc pris l’avion à destination de Copenhague. Quand ils se sont rencontrés à l’aéroport, elle lui a fait un petit baiser sur la joue et, dans l’avion, Balthazar lui a dit où ils dîneraient : au Restaurant Noma.

Ce restaurant a été désigné “Meilleur Restaurant au Monde” par la revue Restaurant Magazine à Londres, le 26 avril 2010. René Redzepi était présent avec sept de ses collaborateurs qui portaient tous un tee-shirt avec la photo d’Ali, l’homme qui fait la plonge au restaurant, de nationalité gambienne, qui n’était pas avec eux car il n’avait pas obtenu le visa pour entrer en Angleterre.

Liberté de la Presse a glissé ses mains sur celles de Balthazar et les a caressées. Balthazar a serré les siennes avec tendresse. Comme si rien ne s’était passé… Balthazar a continué à lui parler de la cérémonie à Londres lors de laquelle René Redzepi a dit que “la distinction récompensait un travail d’équipe”.

Après le dîner, Balthazar et Liberté de la Presse ont passé la nuit ensemble. C’est ce que l’histoire nous laissait imaginer… Le jour suivant ils se sont promenés dans la ville.

René Redzepi est né au Danemark en 1977. Son père est un immigrant albanais qui a épousé une danoise. René a suivi un cours de cuisine au Catering College de Copenhague et a travaillé pendant plus de deux ans et demi dans un restaurant de renom dans la ville (Pierre André) avant de commencer une série de stages dans de grands restaurants connus dans le monde entier, parmi lesquels The French Laundry à Yountville, aux Etats-Unis, El Bulli de Ferran Adrià, le Jardin des Sens de Jacques et Laurent Pourcel, à Montpellier, etc.

Après ces stages, René a travaillé encore dans d’autres restaurants de la capitale du Danemark, parmi lesquels le fameux Kong Hans Koelder (situé dans les caves d’un bâtiment du XIIe siècle) avant de créer son propre restaurant en 2003 auquel il  a donné le nom de Noma, acronyme de deux mots en danois, nordisk (nordique) et mad (nourriture). Le restaurant est connu pour sa réinvention et interprétation de la cuisine nordique. “Quand j’ai créé mon restaurant – dit René Redzepi – j’ai immédiatement pensé qu’il serait nécessaire de mettre en valeur les produis du terroir, de la région. J’ai alors cherché de nouvelles idées qui contribueraient à créer une cuisine typiquement nordique. J’ai parcouru le Danemark dans tous les sens à la recherche de produits des différentes régions. J’ai découvert que nous avons beaucoup de ressources très variées dans notre pays : des huîtres, des moules, des oursins, des coquilles Saint-Jacques, des étrilles, des buccins, des pouces-pieds, une grande variété de coquillages, des crabes, des langoustines des Îles Féroé, des œufs de poisson, mais aussi des sangliers, des cerfs, des agneaux, des grives, sans compter l’énorme diversité d’herbes aromatiques, des plantes, des algues, des baies (plus de 60 variétés différentes) et aussi l’eau minérale du Groenland et toutes les bières nordiques.

À partir de ces produits, j’ai créé mon propre style culinaire, une cuisine nordique novatrice utilisant les méthodes traditionnelles selon les produits du terroir, et de chaque saison en respectant les termes de la nature”. Le travail de recherche effectué par René Redzepi est devenu une référence notamment pour les autres cuisiniers scandinaves. Le restaurant est installé dans un ancien magasin entièrement rénové : The North Atlantic Wharf Building qui date du XVIIIe siècle, dans le quartier Christianshavn qui donne directement sur les quais.

En parfait accord avec la philosophie culinaire de René Redzepi, le cadre du restaurant conçu par Bindslev Henriksen est plutôt minimaliste, préservant une atmosphère typiquement nordique. En ce qui concerne la cuisine, l’originalité est présente dans les plats qui mettent à l’honneur des créations insolites et extrêmement savoureuses, telles que “le crabe poché, avec des moules, des cendres et des poireaux”, “le homard danois avec des algues marines et des racines de légumes, “le turbot avec du “cresson d’eau” (kodrivere) et de l’oignon”, ou encore de la viande de bœuf musqué, animal qui vit dans les pays nordiques et plus exactement dans la toundra arctique qui ressemble à une chèvre mais bien plus grand (les mâles peuvent peser jusqu’à 300 kilos) avec des pousses de betteraves, des pommes et de la moelle fumée…


[1] Extrait du Journal d’opinion de José Carujo. Recevez le numéro complet et les numéros suivants en version électronique sur simple demande à l’adresse : jose.carujo@skynet.be

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