NOUS AVONS RENCONTRÉ JOSÉ

par | BLE, DEC 2015, Social

José a septante-trois ans, il est pensionné et voue toute son énergie à son épouse qui est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Son épouse, Francine, est placée depuis peu, parce que José n’avait plus les ressources physiques pour pouvoir chaque jour l’accompagner dans ses gestes. Ce placement inéluctable provoque en lui une souffrance indicible.

Mais avant la maladie, sa vie était bien remplie, il avait une vie personnelle et conjugale heureuse. Il s’épanouissait dans son travail et dans ses loisirs. Il aimait aller au restaurant, au cinéma, voyager. Il écrivait beaucoup également.

Lorsqu’en 2009, Francine est tombée malade, le temps s’est figé… Il a dû s’arrêter de travailler, adapter sa vie et, en quelque sorte, y renoncer. A ses yeux, il avait “tout perdu” : sa vie professionnelle, les rencontres avec ses clients, ses fournisseurs et, petit à petit, sa femme.

Pour pouvoir faire face à l’altération des capacités de Francine, il s’est adressé à un Centre de Guidance qui lui propose un soutien psychologique. Si ce soutien lui fait du bien, la réalité, la solitude et l’isolement restent la marque essentielle de son quotidien.

La thérapeute qui le soutient a adressé José au “Groupe Solidaire d’Expression Citoyenne (GSEC)”. Elle avait entendu dire que ce groupe rassemblait, entre autres, des personnes qui cherchaient à sortir de l’isolement social. Au départ, le GSEC réunissait uniquement des personnes sans emploi souffrant des politiques d’activation des chômeurs.[1]

José est venu questionner, dans le groupe, ce que signifient l’isolement et l’impuissance face à la maladie et aux effets du vieillissement. Son témoignage, ses récits nourrissent aussi la réflexion dont on trouvera quelques éléments dans le présent numéro de Bruxelles Laïque Echos.

Au fil de nos rencontres et de nos élaborations au sein du GSEC, José exprime souvent un doute qui suscite un sentiment d’étrangeté. Il se dit inutile pour le groupe. sa présence, pourtant, est précieuse. Son expérience, son regard sur le monde enrichissent et font carburer la pensée, les analyses, les constructions. Il apporte au groupe une pesanteur bienveillante, un ancrage serein qui – là où une jeunesse (relative) se laisse parfois porter par la rage, le manque de discernement voire l’imprudence – sa présence (même discrète) inspire une certaine et délicate omniscience.

José écrivait beaucoup également. Et récemment, il a repris la plume. Cette plume qui, à l’entendre, recommençait à le chatouiller alors que, bizarrement, il semblait ne plus estimer en être digne. Il nous a transmis son canard, son Mathusalem – Le journal qui n’a pas peur des vieux – telle “une bouteille à la mer” (ce sont ses mots).

Alors, avec son autorisation, et dans l’espoir de pousser modestement la vague vers des côtes accueillantes, nous reproduisons ici un extrait de son Mathusalem, dont nous attendons avec plaisir les prochains numéros.

Le texte qui suit peut sembler être un pas de côté dans le sommaire du présent numéro de Bruxelles Laïque Echos. Il est à lire, non seulement pour son contenu, mais aussi comme un témoignage et un salut : le témoignage de l’effet que peut avoir la solidarité et le respect qui inspirent le Groupe Solidaire d’Expression Citoyenne sur une personne qui souffre d’isolement ; le salut à un ami qui nous est proche et qui reprend la plume.


[1] Cf. “Voix vulnérables et en colère qui s’inventent un pouvoir” in Bruxelles Laïque Echos, n°83,4e trimestre 2013, pp. 25-29. Consultable sur le site de Bruxelles Laïque.

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