TOUTE LA MISÈRE DU METIER. ÊTRE TRAVAILLEUR SOCIAL C’EST T’OCCUPER…

par | BLE, MARS 2017, Social

Être travailleur social c’est t’occuper… des drogués, des clodos, des ruinés, des claqués, des violés, des battus, des maltraités, des perdus, des disjonctés, des perdants, des illuminés, des délirants, des tarés, des mangeurs de caca, des taulards, des tordus, des accidentés, des inconscients, des pauvres, des très pauvres, des très très pauvres, des miséreux, des traînées, des qui se traînent, des malades, des condamnés, des sanctionnés, des fatigués, des suicidaires, des vieux, des jeunes, des familles, des enfants, des hommes, des femmes, des Français, des immigrés, des sans-papiers, des avec papiers, des avec des faux-papiers, des avec des vrais-faux-papiers, des sans-noms, des sans-slips, des sans-espoirs, des cassés d’une jambe, d’un bras, du dos, de la colonne, du cerveau, de la vie, des méchants, des très méchants, des gentils, des cons, des très cons, des pervers, des beaux, des moins beaux, des moches, des très laids, des repoussants, des répugnants, des puants, des petits, des moyens, des grands, des bons, des mauvais, des paresseux, des fuyards, mais aussi t’occuper… de la violence, de la colère, de la haine, de la culpabilité, du dégoût, du désespoir, de la souffrance, du déchirement, des séparations, des pleurs, des bobos, des chagrins, des câlins, de la folie, de l’absurdité, des aberrations, des injustices, des injures, des vexations, des humiliations, des blessures, de la honte, mais encore… de la paperasse, des rapports, des courriers, des évals, des projets, du juge, de l’avocat, du médecin, du préfet, de l’inspecteur, des keufs, des administrations, du maire, et parfois… des chiottes bouchées, de la porte à ouvrir, de la porte à fermer, de l’ampoule grillée, du chien, et surtout… des manques, des manques et des manques, des besoins, des non- dits, des secrets, des beaux secrets, des secrets dégoûtants, des besoins, et des besoins, c’est s’occuper de prendre rendez-vous, de donner un rendez-vous, et un autre, et un autre, et un autre, et puis un autre et encore un autre, des demandes dites et non dites, des demandes montrées et non-montrées, de ce que tu dois deviner, du standard qui sonne, des réponses pas bonnes, des fugues, des alertes, des cris, des coups de pieds, de poing, de tête, des symptômes, des médocs, des cafards que tu ramènes chez toi, de la galle qui gratte la nuit, des puces éventuellement, de la tuberculose qu’on t’a refilée, de ta peur de chopper le sida, une hépatite et bien sûr des problèmes de ton équipe, des déménagements, des emménagements, des aménagements, des ménagements, des politiques publiques, des cartons de l’autre, des stagiaires, des collègues !, des statistiques… de prendre le temps, et du temps encore, des combats même quand ce ne sont pas les tiens, de comprendre et d’aider à comprendre même quand on y comprend vraiment quedal, de ta propre violence, de ton agressivité, de ton dégoût, de ta haine, de ton affection, de ta séduction, de ton désespoir, de ta souffrance, de tes écoutilles en les ouvrant très grand !, de ton déchirement, de tes séparations, de tes pleurs, de refouler tes larmes, de tes bobos, de ta culpabilité, de tes chagrins, de tes câlins… c’est regarder le temps sans regarder les heures, c’est penser et repenser, à comment tu vas faire, comment tu vas panser, qu’est-ce que tu vas faire, pourquoi, pour quand, avec qui, pour qui, pour quoi… c’est résister aux certitudes, aux standards, au conformisme, c’est te blinder contre la connerie… c’est être là !

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