UN BUSINESS QUI PEUT RAPPORTER GROS

par | BLE, DEC 2015, Economie, Social

Quand dans le langage courant, nous parlons de commercialisation, nous pensons aux différents magasins où nous nous rendons pour acheter nos produits. Or, aujourd’hui, nous pouvons malheureusement affirmer que les personnes vieillissantes sont devenues très intéressantes aux yeux de certains actionnaires. En effet, 50 à 65 % des lits de maisons de repos (suivant les régions) sont dans les mains du secteur privé commercial.

Les groupes les plus connus sont ORPEA, ARMONEA, Senior Assist, Korian (qui a repris dernièrement Senior living group). Ce sont des groupes internationaux qui développent des activités dans plusieurs pays. En Belgique, les maisons privées commerciales occupent 50% du paysage et, au fil des années, ces groupes ont gagné de plus en plus de parts du marché. Le groupe Korian, par exemple, qui gère des institutions dans quatre pays, a réalisé 2,2 milliards de bénéfices en 2013.

Suite à la volonté de réduire les dépenses publiques, et plus précisément celles des soins de santé, le secteur commercial a vu là une belle opportunité pour développer son business. Les raisons en sont multiples : pénurie de lits suite au vieillissement de la population, manque de solutions qui permettent aux personnes de rester à domicile, dictature des règles européennes qui, à travers le TSG, interdisent aux autorités publiques d’augmenter la dette.

Le transfert des compétences, suite à la sixième réforme de l’État, risque fort d’aggraver encore la situation.

L’objectif premier de ces groupes est de “soigner leurs actionnaires” avant de prendre soin des résidents et d’offrir de bonnes conditions de travail à leur personnel. La situation des résidents est intimement liée à celle des travailleurs, puisque le bien-être des uns entraîne celui des autres.

Sélectivité des résidents, marginalisation des publics fragilisés, diminution de la qualité et de l’accessibilité, système de soins à deux vitesses, détricotage des conditions de travail, personnel en nombre insuffisant sont quelques-unes des conséquences désastreuses de cette commercialisation.

Nous mentirions en disant que tout est merveilleux dans la sphère hors “commercial” car il existe aussi de nombreuses maisons, dont le propriétaire suit exactement le même but que les sociétés commerciales, à savoir s’enrichir sur le dos de la personne âgée. Des logiques marchandes s’immiscent de plus en plus dans la sphère des secteurs à visée sociale.

Alors qu’aujourd’hui, il y a de plus en plus de personnes âgées de plus de quatre-vingt ans, elles devraient être au cœur des préoccupations de notre société, en leur assurant des soins de qualité et accessibles hors de tout esprit commercial.

Il semble donc essentiel de changer de paradigme en sortant le secteur des maisons de repos de la sphère marchande afin d’offrir aux résidents un projet de vie qui respecte leurs rythmes, leurs aspirations, leurs diversités.

Il faudrait, par exemple, avoir un financement basé sur un projet institutionnel, et non pas sur le profil de dépendance des résidents, comme c’est le cas actuellement.

Pour cela, il faut pouvoir offrir des conditions de travail au personnel qui permettent une approche centrée sur la personne. Cela nécessite d’avoir du personnel formé et en nombre suffisant. Syndicalement, le chantier est immense. Nous sommes face à des groupes dont les dirigeants sont invisibles. Les demandes des travailleurs dépendent du bon-vouloir des actionnaires qui sont absents. Le syndicalisme non-marchand n’est pas encore suffisamment armé face à ces nouvelles réalités. Nous avançons pas à pas en essayant d’installer partout où on le peut des délégations syndicales. Nous pouvons alors commencer un travail d’éducation permanente.

La première étape du travail syndical consiste à déculpabiliser les travailleurs. En effet, il est facile pour les directions de jouer sur la corde sensible du résident, afin d’empêcher le délégué de consacrer du temps au travail syndical. C’est pourtant un pas essentiel pour pouvoir ensuite créer un rapport de force.

Nous veillons à organiser des rencontres entre les représentants du même groupe pour construire une politique et une stratégie identique sur l’ensemble des sites. En étant présents dans les conseils consultatifs (COCOM, Région wallonne), nous pouvons également créer des liens avec les mutuelles et avec des associations de défense des droits des patients. Cela nous permet de parler d’une même voix, par exemple, en demandant systématiquement les prix pratiqués. On émet l’idée que chaque MRS devrait avoir des lits attribués pour des personnes en difficultés… Un de nos défis pour l’avenir consiste à tenter de construire des alliances avec les usagers. Nous avons tous intérêt à dire que la perte d’autonomie des personnes âgées ne peut, en aucune façon, être la source d’un enrichissement privé !

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