La saga de l’instauration d’un cours de philosophie et citoyenneté (dit CPC) a fait couler beaucoup d’encre. Depuis l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 12 mars 2015, les parents ont le droit de demander pour leurs enfants une dispense de suivre les cours dits “philosophiques”, soit les cours de morale non confessionnelle et de religion. Suite à cet arrêt, la Communauté française a mis en place un système permettant d’encadrer les élèves dispensés, soit l’encadrement pédagogique alternatif (dit EPA) en septembre 2015.
Comme le gouvernement s’y était engagé, l’EPA a disparu dans l’enseignement fondamental à la rentrée 2016, et dans le secondaire à la rentrée 2017, au profit du cours de philosophie et de citoyenneté. Un nouveau cours d’une heure commune qui rassemble les élèves autour de valeurs communes. Même si la FAPEO constate une évolution majeure dans ce dossier, nous regrettons toutefois que ce cours de philosophie et de citoyenneté ne porte que sur une période commune : en clair, tout enfant scolarisé dans l’enseignement obligatoire suivra obligatoirement une heure de ce nouveau cours. La deuxième heure s’organise encore dans le cadre d’une demande de dispense de suivre un cours de morale ou de religion.
Nous pensons qu’il aurait été préférable pour l’apprentissage dispensé et l’organisation des écoles que tous les enfants suivent directement deux heures de CPC. Pourquoi une heure ne satisferait pas nos revendications ? Parce qu’au regard des principes défendus par la FAPEO, entre autres, le problème reste entier. Les élèves demeurent séparés sur base des convictions de leurs parents dès leur rentrée en primaire et l’enseignement d’une éducation religieuse ou morale obligatoire à l’école reste présente. Nous défendons l’idée qu’il ne relève pas de la mission pédagogique des écoles officielles de dispenser un enseignement orienté philosophiquement et particulièrement quand cet enseignement prône des valeurs qui vont parfois à l’encontre de l’Etat de droit. Nous pensons particulièrement aux questions éthiques sensibles telles que le droit à l’avortement, à l’euthanasie… De plus, toujours conformément à notre Constitution, rien ne ferait obstacle au déplacement de ces cours orientés en dehors des heures scolaires, en les rendant facultatifs.
En dehors de ces considérations, il nous semble aussi que l’ambition du cours de philosophie et citoyenneté requiert plus qu’une heure par semaine. Selon les textes légaux, il doit permettre de former les élèves aux différents enjeux de la citoyenneté et les amener :
- À reconnaître la pluralité des formes de raisonnement, des conceptions du monde et des normes et valeurs.
- À pouvoir argumenter une position en la situant par rapport à d’autres positions possibles.
- À expliciter et problématiser les grandes catégories et oppositions conceptuelles qui structurent et déterminent nos façons de penser, le plus souvent sans que nous en ayons conscience ou sans que nous y ayons réfléchi.
- Et à penser par eux-mêmes tout en développant la part d’inventivité et de créativité que l’on attend du citoyen dans une société démocratique.
Le CPC fait reposer la formation à la citoyenneté sur une conception forte et active de la démocratie : la démocratie renvoie moins à un régime institué qu’à la capacité collective des citoyens à mettre en jeu les principes, les modes de fonctionnement, et les formes mêmes de la citoyenneté. Dans ce cadre, l’apprentissage de la pratique du débat et le développement d’un regard critique sur ce que telle ou telle forme de débat permet ou ne permet pas, joue un rôle central.
En articulant la démarche philosophique à la citoyenneté, le législateur indique qu’il ne s’agit pas de former à la philosophie “en général” et pour elle-même, mais de former à une approche philosophique des enjeux et des pratiques de citoyenneté.
Au regard de ces considérations, et en vue d’atteindre les objectifs précités, il est inconcevable de se contenter d’une heure. Vu l’importance de l’enjeu, même l’instauration de deux heures semble être un minimum syndical.
TOUT N’EST PAS ROSE…
Aujourd’hui, on est à mi-parcours d’un processus de changement et le chemin qui reste à parcourir est semé d’embûches. Si l’on se réfère aux retours tant des parents que des enseignants, un certain nombre de questions restent soulevées et l’incompréhension est grande.
D’abord parce qu’il y a un amalgame entre les cours de religion et de morale et le nouveau cours de philosophie et citoyenneté, ceci pour plusieurs raisons. A commencer par le fait que les cours ont été confiés aux professeurs de religion et morale sans beaucoup d’exigences, outre une formation à la neutralité et un diplôme minimum, sur les compétences requises pour donner ce cours. Un peu comme si on recyclait les professeurs de français pour se charger de donner un cours sur le numérique ! Alors dans les classes, cela donne des situations à géométrie variable : du dessin plus ou moins complexe aux discours d’Aristote en passant par la bible ou le coran. Quelques situations de professeurs trop ancrés à faire un copier/coller de leur cours de religion nous sont d’ailleurs revenues.
Le formulaire de choix est lui aussi un élément qui renforce cet amalgame. Effectivement, le cours de philosophie et citoyenneté y est présenté comme une option supplémentaire des cours dits “philosophiques”. On en oublierait presque que ce cours est un cours général et non pas une option !
Les horaires, tant des élèves que des enseignants, soulèvent également de nombreuses interrogations. Les enfants sont retirés des classes pour suivre la deuxième heure de CPC, les cours se donnent le mercredi après-midi, le vendredi en fi n de journée ou encore durant le temps de midi. Deux heures pour tous les élèves simplifi eraient grandement les choses !
Si nous regrettons la résistance aux changements dans certains établissements scolaires (sans même parler du réseau libre dogmatique catholique), celle-ci ne peut hypothéquer l’avenir de ce cours ambitieux et indispensable.
Mais tout n’est pas noir non plus. Dans d’autres écoles, les retours sont extrêmement positifs tant sur la qualité du cours que sur son organisation et cela, sans nul doute, grâce à l’engagement de pouvoirs organisateurs et d’enseignants motivés face à ce nouveau cours de philosophie et citoyenneté.